Les nouveaux Médicis

23 mars 2009 par - audiovisuel, économie numérique

Les défenseurs de la libéralisation de la  diffusion des oeuvres sur Internet ne rechignent  pas à prôner une expropriation des auteurs de leur droit d'autoriser et d'interdire rejoignant ainsi les thèses des ultralibéraux pour lesquels la propriété littéraire et artistique est un obstacle à la libre circulation des biens culturels.

Mais ultime remords de conscience  ou prescience que l'accès aux oeuvres futures passe par la rémunération de leurs créateurs, ils ont ouvert un nouveau concours Lépine destiné à trouver la meilleure formule permettant de concilier la libre circulation sur Internet et une juste rémunération des créateurs .

Sont ainsi apparues en 2005 au moment des débats de la DADVSI , la licence globale, puis la licence globale optionnelle.

L'examen par le Parlement de loi création et Internet a vu  surgir deux nouveaux avatars de ces systèmes morts-nés, la contribution créative et le mécénat global.

Je suis naturellement quelque peu perplexe sur la capacité réelle de ces modèles économiques à financer la création cinématographique et audiovisuelle, mais cela  mérite un vrai débat juridique et surtout économique.

Par contre, comment ne pas  admirer  le génie commercial des inventeurs du mécénat global qui vise à métamorphoser les contrefacteurs en bienfaiteurs susceptibles pourquoi pas de bénéficier d'un avantage fiscal ?

Commentaires (18)

 

  1. fb dit :

    Monsieur Rogard, c’est peut être un peu facile d’éliminer en quelques phrases des idées qui ont maturé pendant quelques années.
    Tout d’abord vous parlez d’expropriation (sous-entendu violation du droit moral), or, dans les propositions que vous citez c’est l’auteur et les ayants-droit qui doivent opter explicitement pour accepter cette méthode de diffusion à laquelle est attachée une rémunération.
    Pour ce qui est de l’ultra-libéralisme, il est vrai que l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789 est le texte fondateur de ce mouvement.
    Il s’agit donc de propositions visant à expérimenter d’autres façons de rémunérer la création sans toutefois nécessairement abandonner le système existant, le cumul étant toujours possible voire souhaitable.
    Concernant le mécénat global, j’estime que c’est une idée à creuser sérieusement d’autant que la proposition émane de quelqu’un (Richard M. Stallman) qui a réussi à créer en 25 ans un business de plusieurs milliards de dollar sur une idée « économiquement incorrecte » et qui participe d’ailleurs à motoriser ce site web !

    Votre dernière phrase est quelque peu gonflée tout de même :

    DADVSI : 0 € pour la création (excepté la scandaleuse « exception pédagogique »)
    HADOPI : 0 € pour la création

    Quant aux avantages fiscaux, n’y-a-t-il pas un crédit d’impôt pour le financement de la création, sans parler de l’inique redevance pour copie privée ? Y aurait-il un mal à financer un bien commun et que cet acte ne soit pas reconnu comme tel ?

    En revanche, je vous rejoins, ce serait bien d’en discuter, mais à chaque fois il se trouve que c’est durant l’examen de projets de loi anachroniques et stupides que cela se passe malheureusement !

  2. Pascal Rogard dit :

    Il est assez curieux de qualifier d’inique la rémunération copie privée alors que dans son principe elle ressemble à toutes les formules de rémunération que j’ai citée.
    Dans ces systèmes, il n’y a pas de choix possible pour les auteurs et artistes sauf celui de ne pas adhérer à une SPRD et donc de perdre toutes rémunérations gérées par celles ci.

  3. fb dit :

    En tant qu’auteur de photographies, devoir rémunérer des interprètes (pour l’essentiel) qui n’ont nullement mon estime pour sauvegarder mes œuvres, j’ai effectivement du mal à trouver un autre qualificatif qu’inique, excusez la pauvreté de mon vocabulaire.
    Maintenant si l’on considère qu’Internet est un accès tangible et vraisemblable à la connaissance et à la culture mondiale, alors oui je suis prêt à payer un péage parce que c’est un bien commun et que je me soucie du financement et de la pérennité de la création.
    Quant aux SRPD visiblement c’est le syndrome HADOPI : l’inversion de la charge de preuve. Ce sont les SRPD qui imposent des clauses d’exclusivités préjudiciables aux créateurs pour maintenir leur oligopole et qui empêche tout système alternatif OU complémentaire.

  4. Dalai-Lama dit :

    Vous faites semblez de nous écouter sur les commentaires du précédent billet, mais en faites vous ne valez pas mieux que les rapporteurs et ministre de l’HADOPI.

    Dommage, j’aurais parlé dans le vide encore une fois…

  5. VERAN dit :

    Pour alimenter le débat voyez la dernière chronique de J Attali : http://blogs.lexpress.fr/attali/2009/03/tout-gratuit.php

    Cette fois les artistes sont invités à aller gagner leur vie en figurant dans des spots publicitaires pour l’auteur de : « L’anticapitalisme » c’est une évolution « amusante ».
    Gratuité (Chris Anderson) et participations volontaires (Richard M. Stallman) semblent être les nouvelles solutions rapides et toutes faites à des problèmes incomplètement posés.

    Qui sont les institutions ou les entreprises qui géreraient ces formules, comment seraient amortis les investissements nécessaires à l’existence de certaines oeuvres (l’illusion technologique pousse à ne raisonner que sur les coûts de duplication-communication)

    Les artistes d’Attali sont toujours jeunes, actifs et en bonne santé et leurs revenus d’auteurs sont considérés comme des rentes
    L’on oublie qu’il ne s’agit pas que de payer la reproduction unitaire d’une oeuvre mais qu’il faut financer des infrastructures de production d’un coté et un système social de l’autre. Quid de l’artiste viellissant ?

    Bonne journée.

  6. Animejason dit :

    La Nouvelle-Zélande abandonne la riposte graduée jugé par leurs politiques :

    « la façon dont elle imposait des coupures d’accès à l’internet sur la base de simples allégations »

    « dont elle imposait des coûts de mise en conformité »

    « Couper un accès à l’internet a toujours été une réponse disproportionnée »

    « forcer les FAI et d’autres organisations à être les juges et les exécutants du copyright »

    voir http://www.pcinpact.com/actu/news/49874-creation-internet-nouvelle-zelande-section92a.htm

    C’est marrant les politiques de la Nouvelle-Zélande ont donnés exactement les même réponses sur la « graduation » que les opposants de l’Hadopi en France (et on auraient rien compris). Et pourtant leur version était plus respectueuse des droits de la défense que la notre, 4 avertissements contre 2, possibilité de faire appel à chaque étape et pas uniquement à la coupure, 1 mois de délai obligatoire entre 2 avertissements contre aucun délai (vous pouvez voir votre accès coupé pour avoir télécharger 3 fichiers en même temps), il fallait aussi que les ayants-droit prouvent le téléchargement ici seul l’IP suffit.
    Donc une lois jugé beaucoup trop disproportionnée dans tous les autres pays d’Europe, on est vraiment vernis.

  7. Pascal Rogard dit :

    Et voici la réponse des cinéastes pas tous vieillissants à Jacques Attali.

    Tous les systèmes de rémunération proposés reposent d’une manière ou d’une autre sur une expropriation du droit d’autoriser ou d’interdire et c’est la condition de leur mise en place.

  8. Dalai-Lama dit :

    Et la réponse d’Attali a ces cinéastes :
    http://www.slate.fr/story/jacques-attali-r%C3%A9pond-aux-artistes

    Et dire que les propositions reposent sur une expropriation du droit d’autoriser ou d’interdire, c’est ne pas les connaître.

    Mais bon, on peut pas vous en vouloir de suivre aveuglément sans même comprendre.

  9. VERAN dit :

    Open bar !

    Dans son dernier édito, J Attali plaide pour une gratuité universelle et pour la généralisation des SPRD..même pour les libraires et les disquaires puisque si l’on suit son raisonnement tout le monde, du créateur au petit commerce de détail devra trouver une rémunération indirecte et collective. C’est l’open bar avec la SACEM et la SACD à l’entrée et/ou à la sortie, sauf si microsoft ou google par l’argent du guichet unique forfaitaire alléché…

    Content ou inquiet Pascal ?

    Lucien Véran.

  10. Pascal Rogard dit :

    Ni content, ni inquiet car je ne crois pas aux prophéties d’un économiste dont le film préféré me semble être « Chérie, je me sens rajeunir« .

  11. Bluetouff dit :

    Dans la catégorie « chérie monte un peu le volume », voici un groupe culte qui compte parmi ses faits d’arme la fermeture de Napster, Metallica :

    http://www.numerama.com/magazine/12420-Metallica-pourrait-demander-conseil-a-Trent-Reznor-et-quitter-Warner.html

    Vous voyez, c’est pas si dur de reconnaître que l’on se trompe.

    C’est amusant tous ces artistes que vous voulez « protéger » … ils sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir de votre « protection » .

  12. Pascal Rogard dit :

    Encore une fois je ne m’occupe pas de musique enregistrée.

  13. Cher Pascal Rogard,

    Ensemble, il y a vingt ans, nous avons défendu le droit moral des auteurs dans la construction européenne contre les assauts du copyright anglo-saxon.
    Ensemble, nous avons combattu pour que soit conféré au droit d’auteur un statut de droit de l’homme en Europe.
    Ensemble, au lendemain de la chute du Mur de Berlin, nous avons accueilli dans nos réunions européennes des cinéastes venus de l’Est. Nous avons entendu leur refus de voir la création contrôlée par l’État.
    Aujourd’hui, je m’étonne de vous voir refuser le statut de droit fondamental inviolable à ce formidable accès aux savoirs qu’est Internet, dont la constitution technique même repose sur le partage.
    Des courageux cherchent des solutions qui respectent à la fois le droit d’auteur et le droit d’accès au partage et à la connaissance. Je ne vois pas là matière à ironiser.

    Non, Pascal Rogard. La proposition de Mécénat global ne viole pas le consentement des auteurs. Non, le Mécénat global n’impose pas de ne pas adhérer à une SPRD (*) : bien au contraire, le concours des SPRD y est prévu.
    Non, Pascal Rogard, le Mécénat global ne parle pas de « rémunération » des artistes, mais de financement des œuvres. De toutes sortes d’œuvres, et pas seulement de celles exploitées par les industriels du film et du disque.
    Non, Pascal Rogard, le Mécénat global n’est pas opposé aux systèmes actuels de rémunération des artistes : il propose de s’y ajouter.

    Je vous propose donc de relire le mécanisme pour lequel il est proposé une expérimentation, puis une éventuelle adhésion libre et progressive : http://www.mecenat-global.org/index-fr.html.

    Et je vous rejoins sur votre appréciation : « cela mérite un vrai débat juridique et surtout économique. » J’y ajoute philosophique.
    Le cinéma, vous le savez, est un art ET une industrie. N’oublions pas le premier terme au profit du second.
    Et tentons de voir le tout dans le cadre d’une civilisation qui cherche à s’élever, pas selon des calculs de court terme et des dialogues de sourds.

    Bien cordialement, Dominique Lacroix

    * SPRD : Société de perception et de répartition des droits

  14. Pascal Rogard dit :

    Le droit moral , c’est pour le créateur d’abord le droit au respect de l’intégrité de son oeuvre. Et rien dans le système de mécénat global ne le garantit.
    Au delà des problèmes financiers c’est pour moi une honte de voir des groupements d’internautes et certains parlementaires défendre et justifier la libre diffusion d’erzatz de créations audiovisuelles et cinématographiques qui sont déformées, mutilées, avilies par les conditions dans lesquels des groupes mafieux se les sont procurées.
    Le système repose sur une expropriation du droit d’autoriser et d’interdire puisque la seule manière d’y échapper est de ne pas faire partie d’une SPRD ce qui contraint artistes et auteurs à renoncer aux rémunérations qui font l’objet d’une gestion collective obligatoire ou qui ne peuvent être matériellement perçus et réparties que par une société de gestion collective.
    Enfin c’est surtout une remise en cause d’un droit fondamental acquis par les auteurs depuis la révolution française à savoir le droit à une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation.
    Débattre de ce genre d’idée m’intéresse, mais en l’état elle me parait fumeuse et surtout parfaitement démagogique.
    Mais peut-être n’ai je comme d’habitude rien compris.

  15. ikariya dit :

    « le droit à une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation. »

    Mais enfin c’est tout sauf infaisable !

    Qu’est ce qui empèche les « artistes » ou si vous préférez les professionnels, de monter eux même une structure d’échange sécurisée et rapide dont l’entrée se ferait sur abonnement et qui mettrait les internautes à l’abri de la loi ?

    Une fois ce système instauré et moyennant un abonnement raisonnable, il suffit de compter qui télécharge/échange quoi !

    On peut même imaginer assez simplement, comme sur le modèle des ratios bittorrent, affecter des bonus aux internautes qui participent le plus à la diffusion des œuvres.

    Croyez vous que à si on considère un droit d’entrée à ce système de 5€ les internautes vont le refuser ou bien vont, à côté, s’amuser à partager sur des systèmes parallèles ?

    Vous invoquez systématiquement l’expropriation des auteurs, mais ça n’est valable que si vous prélevez une somme forfaitaire sur un réseau dont vous ne maîtrisez rien !

    Alors c’est sur que si vous voulez vous payer sur la bête sans faire d’investissements on aboutit tout droit à ça mais enfin ça coute pas bien cher à déployer un réseau de distribution en P2P, l’essentiel de la charge repose sur les utilisateurs justement !

  16. Pascal Rogard dit :

    Dès lors que ce sont les internautes qui maitrisent l’entrée des oeuvres dans le système ,il y a nécessairement expropriation des créateurs. Dans le cas contraire de tels système existent déjà, grâce à la Vidéo à la demande par abonnement.

  17. ikariya dit :

    Ah mais non moi je parle d’un système ou ce sont les acteurs du métier qui font entrer les oeuvres, pas les internautes !

    Les internautes ne seraient la que pour supporter l’infrastructure informatique de la diffusion, utilisant le maillage P2P plutot que des serveurs centralisés.

    Après effectivement si certains acteurs ne veulent pas se retrouver dessus, grand bien leur fasse, mais ils s’exposeront sans doute à se voir échanger illégalement sur d’autres réseaux moins contrôlés et plus underground. Libre à eux de porter plainte dans ce cas là.

    Surtout ainsi vous confieriez aux artistes le soin de mettre par eux même à disposition ce que bon leur semble, sans être limité par l’espace sur un CD ou un DVD ou sans être bridé par la politique frileuse d’un producteur.

    on peut ensuite assez bien imaginer plusieurs tarifs, un pour la musqiue, un pour le cinéma, un pour tout, etc … au besoin en mettant quelques quotas pour éviter le pillage de catalogue, en instaurant des ristournes en fonction de l’espace de stockage et/ou de la bande passante offerte par l’utilisateur, etc …

    Je pense que vous vous méprenez sur la volonté des internautes de rémunérer les artistes. Promettez aux internautes de rémunérer justement et de façon transparente (reporting tous les mois ou tous les trimestres) les artistes dans un système d’échange contrôlé, légal, et avec un ticket d’accès pas cher, et je vous prend le pari que c’est le jack pot.

  18. Mathieu dit :

    Donc si je vous suit bien tant que les producteurs ne maitrisent pas l’entrée sur le réseau vous serez insatisfait.

    Et tant que je n’aurais pas la possibilité de télécharger légalement des fichiers pérennes dans des formats standards parfaitement interopérables, je ne serait pas satisfait.

    La demande client est là, les offres de prix aussi, à vous de voir si vous acceptez de tenter la transaction ou si vous continuez à vouloir nous vendre ce dont nous ne voulons pas.

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