La soviétisation du droit d’auteur

22 mai 2015 par - économie numérique

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On ne saurait reprocher au président de la commission européenne Jean Claude Juncker de manquer de vision et d'ambition pour la culture puisque dès 2005 il déclarait devant un parterre de grands créateurs réunis à la comédie française : "La culture ne se prête pas à l'harmonisation, ne se prête pas à la standardisation ,ne se prête pas à la réglementation stupide."

On pourrait juste le taquiner , mais la faute est vénielle en politique pour avoir oublié à la tête de l'exécutif européen l'excellent point de vue du premier ministre du Luxembourg.

Dimanche dernier au festival de Cannes le gouvernement  représenté par Manuel Valls et Fleur Pellerin organisatrice d'un brillant colloque sur la question de la protection et de la diffusion des œuvres  a clairement affirmé que la France restait la patrie du droit d'auteur et qu'il n'était pas question sous les pressions de la démagogie consumériste de l'appareil de la commission "de désarmer le droit d'auteur et donc d'affaiblir l'Europe".

Le retour en force du politique et de la politique était bienvenue car comme l'a vigoureusement rappelé Viviane Reding la vraie question n'est pas celle de la territorialité du droit d'auteur mais comment sortir l'Europe de son état de colonie numérique des grandes entreprises américaines qui dominent le marché des services en ligne.

A vrai dire à entendre tous les professionnels auteurs ,producteurs, distributeurs, exploitants, chaînes de télévision ,représentants des organismes de soutien au cinéma et même de la production hollywoodienne, réaffirmer avec force que remettre en cause la territorialité des droits serait affaiblir considérablement la création  européenne pour le seul bénéfice des géants américains du net qui sont les seuls à réclamer des mesures nouvelles, on pouvait se demander si les fonctionnaires de la commission européenne et leurs commissaires ont des yeux et des oreilles.

La vérité est que le système de pensée bruxellois est idéologique et hors sol des réalités concrètes .

La vérité est que le système de consultation et d'information est vicié à la base par des questionnaires tronqués et incompréhensibles qui permettent à ceux qui les ont élaborés d'aller là où ils avaient prévu d'aller pour faire prévaloir cette notion absurde de grand marché numérique de la culture.

A juste titre Costa Gavras a parlé de soviétisation des droits d'auteur car comment qualifier autrement cette entreprise qui vise à supprimer les différences en affirmant par ailleurs une claire volonté de renforcer la diversité culturelle.

Merci donc à Manuel Valls et Fleur Pellerin d'avoir redonné confiance et espoir aux créateurs dans l'idée européenne, une Europe qui doit d'abord rétablir la loyauté dans les relations commerciales, l'égalité devant l'impôt et les contributions au financement de la création, et imposer face au défi du piratage le respect des droits des auteurs ,assurer leur juste rémunération en proportion des recettes d'exploitation et veiller à ce que les œuvres puissent être largement et légalement accessibles.

Cannes outre les films, le marché, les grands débats ,les paillettes et le tapis rouge  ce sont aussi les négociations professionnelles avec cette année le feuilleton médiocre des négociations avec Canal Plus . Médiocre car alors qu'une grande majorité de la profession avait trouvé un accord positif pour la cinéma français ,certains ont joué la surenchère pour affirmer leur droit à l'existence .Ils n'ont financièrement rien obtenu de plus sauf un affaiblissement de la récompense du succès en salles qui permet de rattraper le sous financement initial de films que le public a consacré.

Cette négociation laissera des traces au goût amer et n'augure rien de bon pour les grands défis numériques que le cinéma français devra affronter au coté des pouvoirs publics.

Souvenons nous de cette belle phrase de la République de Platon: "Ce ne sont pas les remparts , mais les hommes qui font la force de la cité."

 

 

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