Gouverner c’est choisir …Encore faut-il ne pas se tromper

18 juillet 2019 par - Weblog

(©)Diaphana distribution

Alors que la démission de François de Rugy a agité toute la classe politique et médiatique ces derniers jours, reléguant au second plan l’élection beaucoup plus importante d'Ursula von der Leyen à la tête de la Commission Européenne, une autre nomination secoue le Landerneau cinématographique.

Le remplacement de la présidente du CNC Frédérique Bredin offre un épisode d’effervescence dont le cinéma est coutumier.

Frédérique Bredin dont on ne dira jamais assez à quel point elle a su remettre le CNC sur de bons rails en mettant fin au plafonnement de ses ressources et assurant la modernisation de son financement en y intégrant notamment les plateformes et services de VàDA.

Il a suffi que le nom de Dominique Boutonnat, qui a rendu un rapport en mai dernier sur le financement privé du cinéma, soit cité comme possible successeur de Frédérique Bredin pour que les tribunes succèdent aux pétitions et les demandes d’excommunication de l’impétrant s’accumulent.

Quel crime a t’il donc commis ?

On lui reproche d’abord ses liens avec le Président de la République, son activisme en sa faveur durant la campagne de 2017.

Soit mais est ce un handicap ? Non bien sûr à la condition toutefois que les compétences et la capacité de tenir la barre du navire CNC soient au rendez-vous.

Son rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles salué positivement par Frédérique Bredin semble aussi lui valoir une haine tenace qui, pour dire vrai, semble procéder en partie d’une lecture hâtive (quand il y a lecture) ou un rien orientée de ses propositions.

On peut être en désaccord avec certaines des préconisations qu’il fait sans pour autant faire de ce rapport un brûlot anti-cinema qu’il n’est pas.

Le diable se cache souvent dans les détails mais une lecture attentive ne m’a pas permis d’en trouver trace ici.

En revanche, les esprits les plus objectifs liront une volonté d’assurer plus de transparence du secteur, d’investir davantage dans l’écriture, de mieux associer ceux qui financent les œuvres aux résultats de leur exploitation, de renforcer la stabilité financière des entreprises de production et de distribution, de garantir une exposition renforcée pour les œuvres, de réformer une chronologie des médias qui est un repoussoir pour tout éventuel nouveau financier...

Rien qui semble scandaleux ! Rien qui ne puisse susciter excès d’honneur ou d’indignité.

Vouloir conforter le socle du système de soutien français au cinéma qui a ses forces et ses atouts est essentiel. Indispensable même.

Mais, cela ne doit pas se faire au prix d’une cécité sur la fragilité réelle de son financement au moment où Canal plus semble se déliter ,au moment où est grande la précarité des entreprises qui le font vivre.

Pratiquer la politique de l’autruche c’est la certitude de l’ inadaptation et donc du déclin.

Un rapport beaucoup plus explosif et susceptible de produire des effets négatifs majeurs devrait davantage intéresser les pétitionnaires.

C’est en l’occurrence celui de la députée Magne qui, après avoir écouté les maîtres pleureurs de la profession champions de l’autodestruction, les vrais adversaires de la création cachés dans la technocratie et le chœur des télévisions implorantes, a jugé que le CNC ne faisait pas de concertation, n’avait pas des missions claires et devrait désormais voir le produit de ses taxes être plafonné.

Tous ceux qui, au sein de la profession, n’ont rien trouvé de mieux que de dénoncer faussement l’absence d’écoute et de concertation du CNC ou qui sont allés entonner le refrain démagogue du trop grand nombre de films,pas les leurs évidemment, devraient aujourd’hui comprendre qu'ils se sont tirés des balles de gros calibre dans le pied .

Aujourd’hui, la réalité est la suivante : la seule traduction concrète du rapport Boutonnat est la création d’un fonds public pour les entreprises culturelles et créatives de 225 millions d’€.

On fait pire pour détruire notre cinéma d’auteur.

Pendant ce temps-là, les répliques du rapport Magne sont sans doute à l’œuvre dès à présent, à l’occasion de la préparation de la future loi de finances, et pourraient être élevées dans l’échelle de déstabilisation et de mise en cause du fonctionnement du CNC et donc du soutien public à la création cinématographique et audiovisuelle même si Franck Riester a clairement affirmé son hostilité à ces préconisations.

À l’aube d’une rentrée qui pourrait s’avérer lourde d’enjeux pour le financement de la création, du cinéma et de l’audiovisuel, il faut espérer que le CNC pourra éviter les écueils que vivent bon nombre d’institutions culturelles avec des vacances à leur présidence qui se prolongent.

La continuité de l’action du CNC sera exercée par Olivier Henrard qui assume l’intérim de Frédérique Bredin et qui cumule une grande connaissance de l’Etat, une compétence de nature à changer sans casser et une réflexion déjà ancienne sur les enjeux de la création.

Autant de qualités dont on peut souhaiter qu’elles soient aussi au cœur des critères que le Président de la République retiendra pour choisir le Président ou la présidente du CNC pour les années à venir.

Les défis qui nous attendent exigent un CNC en ordre de marche et déterminé à se moderniser tout en  bloquant  toute stratégie d’affaiblissement ou d’étouffement digne d’un étrangleur ottoman.

Il est aussi capital que la famille du cinéma reste unie et soit prête à se mobiliser autant pour défendre les acquis et un modèle unique au monde que pour accepter les évolutions nécessaires dans une économie de la création et de la diffusion qui se concentre et se mondialise

 

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