L’auteur au centre : paroles ou actes

12 juillet 2019 par - audiovisuel, spectacle vivant

(©) Bac films

Est-ce que cette première partie de l’année 2019 laisserait entrevoir de nouvelles mesures positives pour les auteurs et une place centrale dans la politique française de la culture ? A écouter le Président de la République et le Ministre de la Culture, tous les espoirs sont permis. En recevant en mai à l’Elysée, les professionnels de la culture et de communication, réunis pour l’occasion sous le vocable trop réducteur d’industries créatives, Emmanuel Macron a souligné que le temps était venu de mettre les auteurs au centre des politiques. Quant à Franck Riester, il a encore rappelé en juin à l’occasion des 30 ans du CSA la place très particulière qu’il comptait accorder aux auteurs.

 

Ces déclarations ne sont pas seulement douces aux oreilles des créateurs et de ceux qui les défendent. Elles doivent constituer un engagement politique, concret, mesurable, vérifiable tant l’urgence est là.

Urgence à conforter leurs droits souvent niés ou contestés en particulier par les diffuseurs fussent ils publics .

Urgence à répondre à des situations de précarité et de paupérisation qui se multiplient.

Urgence à prendre en compte la spécificité des parcours et des carrières artistiques dans la réforme de la protection sociale et des retraites.

Urgence à mieux exposer et à mieux financer les œuvres des auteurs vivants.

Urgence à tout simplement appliquer la loi sur les retraites complémentaires.

 

La liste serait encore longue de ces priorités à prendre en charge pour que l’ambition culturelle qui traverse heureusement notre pays et qui a toujours constitué un socle politique fort ne vienne se fracturer contre le mur des réalités quotidiennes de nombreux auteurs. Et il serait faux de croire que certains secteurs seraient particulièrement privilégiés et préservés.  

 

L’étude que la SACD a confiée à Sciences-Po et au CNRS pour étudier les conditions de travail des scénaristes d’animation et qui a été présentée au festival d’Annecy a livré des constats lapidaires, qui devraient appeler d’ailleurs toute l’attention des pouvoirs publics  : dans ce secteur souvent qualifié à juste titre de secteur d’excellence, grâce notamment à la qualité de ses créateurs, la précarisation se renforce, avec une réelle dégradation des conditions de travail et de rémunération, une insertion de plus en plus difficile, des incertitudes pour l’avenir qui s’accroissent et un recours de plus en plus fréquent au cumul d’activités pour s’en sortir. Et la suppression annoncée de la chaîne jeunesse du service public France 4 ajoutera encore du brouillard sur la diffusion des œuvres d'animation diffusion essentielle pour garantir le revenu des auteurs

 

Finalement, la réalité nous conduit à faire deux observations : les secteurs artistiques privilégiés n’existent pas ; certains sont particulièrement victimes de cette dégradation économique, budgétaire, culturelle et sociale.

 

Le spectacle vivant, dans toute sa diversité, qu’ils s’agissent du théâtre, de la danse, des arts du cirque ou de la rue, en est malheureusement depuis trop longtemps une illustration. Les auteurs nous disent la difficulté de créer et de vivre de leur art aujourd’hui, les compagnies sont souvent en proie à des situations économiques rudes et comptent souvent sur un subventionnement de l’Etat et des collectivités locales, devenu lui aussi plus difficile à obtenir.

 

Avec la saison des festivals qui débute, à Montpellier, Aix, Avignon, Chalon, Aurillac et dans bien d’autres villes, c’est toute l’inventivité et la grande créativité des auteurs et des autrices qui sera sur le devant de la scène. La SACD accompagnera, comme elle le fait toujours, grâce à son action culturelle, ce mouvement en aidant ces festivals et ces initiatives qui promeuvent la création contemporaine.

 

Pour autant, les choses doivent changer pour mieux soutenir les auteurs vivants, leur garantir des rémunérations croissantes, renforcer la diffusion de leurs œuvres. Plutôt que de céder à une sorte de fatalisme qui enfermerait le spectacle vivant dans un cycle toujours négatif, il faut prendre la mesure de ce qui se passe aujourd’hui chez les créateurs et les professionnels. Les prises de conscience comme les prises de parole sont là : le manifeste de l’association des Centres Dramatiques Nationaux propose un chemin pour construire une nouvelle politique publique en faveur de la création ; les préconisations qui vont émerger de longs mois de travaux et de réflexions collectives des États généraux des écrivaines et des écrivains de théâtre apporteront sans doute beaucoup pour redonner la place qu’elle mérite aux auteurs. 

 

Il y a de l’optimisme à avoir face à ces initiatives qui ont en commun de vouloir redonner un nouvel élan en partant non pas de l’économie ou des structures mais bien de l’acte de création en lui-même et de sa diffusion auprès de tous les publics. Parce que remettre l’auteur au cœur de la politique culturelle ne doit pas être qu’un slogan vide et creux, écoutons les voix de celles et ceux qui connaissent les besoins des créateurs, en mesurent la nécessité et partagent la conviction qu’une politique s’évalue à l’aune de l’environnement qu’elle réserve à la création et aux auteurs vivants. 

 

A la SACD, nous les écoutons, nous les entendons, nous les soutenons nous les accompagnons aussi. Notre action sociale comme notre action culturelle y concourent, tout comme notre engagement politique à l’égard de l’Etat et des collectivités locales. Il prend de nombreuses formes mais je veux retenir notamment notre participation à l’étude que la Direction générale de la création artistique du ministère vient de lancer sur la place des œuvres des auteurs contemporains dans les CDN et les scènes nationales. Les résultats seront connus à l’automne mais de toute évidence, ils seront utiles pour porter une action plus soutenue à l’égard de ces œuvres et des auteurs qui les créent.  

 

Le spectacle vivant, c’est aussi naturellement la musique et les compositeurs et compositrices qui symbolisent le C de la SACD. Le Centre National de la Musique semble enfin sur la bonne voie avec une proposition de loi en cours de discussion au Parlement qui devrait permettre la création de ce centre dès le 1er janvier 2020. Il devra encore franchir quelques étapes et lever certains obstacles, à commencer par son financement. 

 

Le transfert des ressources existantes, celles du Centre national des Variétés comme celles des instances actuelles du Bureau Export ou du Fonds de Création Musicale, ne seront pas suffisantes pour inscrire à la fois une ambition et la garantie de la pérennité. Cette fois-ci, les professionnels de la musique qui ont toujours refusé ce qui a fait le succès du cinéma, à savoir se taxer soi-même, sont au pied du mur. Le devoir d’inventivité va devoir s’imposer à tous ceux qui pour l’heure ont toujours refusé qu’on taxe les plateformes et tous les services qui diffusent les œuvres, faute de quoi ce Nouveau Centre de la Musique verra son champ d’action et son impact trop limités.

 

Mais, un autre enjeu doit traverser ce moment de configuration de cette nouvelle institution pour la musique. Tous les genres et toute la diversité du monde de la musique devront pouvoir y trouver leur place et bénéficier d’un soutien structurant. Nous serons particulièrement vigilants à ce que la musique de scène, l’opéra, le théâtre musical et ce répertoire si essentiel mais aussi fragile qu’est l’humour puissent y trouver un accompagnement à la hauteur du talent des auteurs et actrices.

 

Car pour revenir à notre réflexion initiale, l’urgence aujourd’hui est de faire de la France, terre de l’exception culturelle, une terre fertile d’accueil, de protection et de soutien des auteurs.

 

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