L’après Hadopi
7 septembre 2009 par Pascal Rogard - économie numérique
En nommant trois personnalités incontestables, Guillaume Cerruti, Jacques Toubon, Patrick Zelnik pour une mission de réflexion sur l'offre légale de contenus culturels sur Internet, Frédéric Mitterrand a nettement placé son action dans la perspective de l'après Hadopi.
Le ministre n'a nullement renié la loi Hadopi qu'il a au contraire vigoureusement défendue, mais étant lui même auteur , il sait que les deux questions les plus importantes à régler sont celle du développement de services permettant une offre culturelle élargie et de la rémunération des créateurs.
Il a d'ailleurs demandé à ses nouveaux missionnés sur le modèle de ce qu'avait brillamment réussi Denis Olivennes, non pas une longue dissertation, mais quelques propositions rapidement applicables.
Compte tenu de leur personnalité, gageons qu'ils seront au rendez-vous de l'après Hadopi.
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Commentaires (16)
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Hadopi et puis…
Je vous propose une vision décomplexée et un peu « naïve » de l’après hadopi.
– La présentation du projet à l’assemblée avait vu s’opposer deux camps et la crispation résultante avait interdit toute réflexion autre que celle portant sur une opposition caricaturale : propriété intellectuelle/ liberté de « communication » pour faire court.
La commission Cerruti-Toubon-Zelnik va t elle enfin élargir le débat et ouvrir des passerelles entre les deux bords de la crispation ?
Deux pistes ou passerelles.
1/ Une piste de conciliation formulée en termes de stratégie pour les ayants droits et d’offre positive faites aux internautes « primo piratant ».
Elle repose sur l’idée simple et bien connue dans le monde du gratuit que celui qui ne paie pas mais consomme est un client potentiel car il est intéressé par le produit et le prouve par son acte. De prime abord il est aussi parfois un recéleur, un contrefacteur ou un voleur mais si l’offreur au lieu de devoir systématiquement le faire condamner dispose d’une alternative, un acte délictueux peut servir de porte d’entrée à une relation d’échange plus conforme au droit.
Un exemple : un primo piratant ayant téléchargé les œuvres d’un artiste recevrait en plus ou à la place du fameux avertissement, une proposition d’abonnement, de rencontre, de participation à un club de fan…C’est ici aux professionnels d’avoir de l’imagination et leurs services marketing n’en manque en général pas.
2/ Une piste éducative et volontariste formulée (peut être) en termes de régulation et susceptibles de toucher au texte même pour le rendre plus acceptable par une jeunesse qui ne voit en « hadopi » qu’un texte pro-major.
Annoncer le lancement d’une réflexion sur l’affectation du montant des amendes éventuelles au soutien de la création, l’introduction de cours de droit de la propriété intellectuelle au lycée, la création d’un passeport internet jeune « ami de la création » donnant droit à une déduction sur la taxe sur la copie privée ou un avantage équivalent (je sais c’est un peu complexe à construire) …l’essentiel est bien de réintroduire du positif et de l’encouragement dans ce qui vu comme pur système de sanction.
Bonne journée.
La bonne idée qui rejoint la votre cher Lucien serait à mon sens de disposer d’un moteur de recherche recensant l’intégralité des films en offre légale et d’informer les personnes averties par l’Hadopi de son existence.
Il me parait en effet impossible que l’Hadopi serve de courroie de transmission à des offres commerciales.
Pour les autres idées je les fait miennes.
Pourquoi avoir besoin d’attendre qu’une prétendue autorité qui s’amuse à bafouer les principes de neutralité du net envoie un mail pour faire connaitre ce « catalogue ».
N’oublions pas que s’il y avais une vrai offre légale sur internet, il n’y aurais pas autant de téléchargement prétendument illégal.
De plus quid des cas suivants :
– les œuvres ne sont pas disponibles légalement
– les œuvres ne sont disponibles que dans des formats fermés, non interopérables
– les œuvres ne sont disponibles légalement qu’en mauvaise qualité (cas habituel des musiques en mp3)
Cela dit, un tel catalogue me parait être une très bonne idée.
Le fait pour ceux qui défendent en général le téléchargement illicite de parler de qualité est une nouveauté intéressante car pour ce qui concerne les films beaucoup d’oeuvres circulant sur le réseau sont des copies de très médiocres.
Et il est vrai que l’offre légale se doit d’être sur ce plan irréprochable.
Je ne peux être tout à fait d’accord avec vous.
Le cinéma :
Évidement on y retrouve les « screener », ces choses d’une qualité infâmes appréciées par beaucoup d’internautes pour ce donner une petite idée du film avant d’aller au cinéma le regarder.
Sinon on retrouve les HD-rip qui ne sont que des blueray ripés, compressés et dénués de toute protection et publicités.
L’offre légale devrait au moins arriver à ce niveau… Des amateurs derrière leurs pc perso en sont capables.
Cela dit, vous avez raison, l’offres légale se doit de tendre vers la perfection.
La musique.
Toujours le même refrain… D’un coté des titres payants de mauvaise qualité (mp3)
D’un autre coté des titres « gratuit » illégaux de très bonne qualité (FLAC)
Conclusion :
Tant que les offres légales ne feront pas d’offres capables de fournir des produits d’aussi bonne qualité que ce que l’ont peut trouver sur des réseaux pair à pair, vous filerez droit dans le mur. Nous comptons sur vous pour redresser la barre
« Un exemple : un primo piratant ayant téléchargé les œuvres d’un artiste recevrait en plus ou à la place du fameux avertissement, une proposition d’abonnement »
Pas bête… On reste juste dans l’idée d’espionner les gens… pour faire du marketing…
Ou alors mettre une plateforme tenue par les major qui permette ça, sans DRM, en OGG ou en flac. Le paradis.
Si un jour nos cher majors comprennent qu’il faut attirer le client et non lui cogner dessus, je rouvre mon porte-monnaie
« l’introduction de cours de droit de la propriété intellectuelle au lycée »
En pratique, ça risque juste de donner des cours sur la facette « propriétaire/majors » et rien sur le domaine libre… De la concurence déloyale en somme.
« En nommant trois personnalités incontestables »
Wahouu… Aucune personne reconnue dans le vaste domaine de l’internet…
La prochaine fois : lagaffe dans une commission pour sur la sécurité routière? ^^
Prions que, contrairement au rapport de l’ex patron de la FNAC, on prenne l’avis… des internautes.
Piste a suivre : contacter Benjamin Bayard, président de French Data Network, le FAI le plus ancien en france, qui se fera un plaisir de participer aux tables rondes.
PS : le système de commentaires ne marche plus, on ne peux voir que le début du texte.
J’ajouterai juste en illustration de ce débat sur l’avenir des œuvres numériques, le récent article de Monsieur Richard Stallman :
http://www.framablog.org/index.php/post/2009/09/08/stallman-guerre-partage
Je pense que tout y est plus clair, Monsieur Rogard, puissiez vous le lire et le faire lire dans vos Hautes Sphères.
Prenez conscience du publique, des citoyens!
La critique est aisée et l’art difficile.
Et je ne connais que trop les idées de Monsieur Stallman qui veut faire des créateurs des quêteurs.
Mr Stallman se base sur une philosophie mise en place dans les domaines informatiques dématérialisés : les logiciels.
Il suffit de voir l’état actuel de GNU/linux pour s’apercevoir que ça marche plutôt bien.
Après je n’affirme pas que ce sera le cas pour les contenus multimédias (bien que les œuvres et artistes utilisant les licences Creatives Commons se multiplient)
Je pense que la mission aura à coeur d’entendre tous les points de vue et en particulier ceux des personnalités dont la compétence dans le domaine de l’Internet est reconnue.
Se placer au-delà des mesures palliatives comme la loi Hadopi me semble judicieux. Il est temps d’entériner la disparition du business model de l’industrie du disque. Comme d’autres industries celle-ci a été victime d’une rupture technologique irréversible et internet ne sera pas désinventé. Favoriser une rénovation de ce secteur économique et artistique semble l’unique option.
Mon point de vue est cependant celui de quelqu’un qui s’occupe plus de business model et d’innovation non-technologique, que d’un artiste ou d’un législateur. Il est donc probablement entaché d’une part d’utopisme, voire de naïveté et par avance je m’en excuse.
Mais il y a peu je discutais sur mon propre blog des formes d’innovation de prix qui nous étaient enseignées par la Chine. Si cela n’est pas trop auto-promotionnel je vais me permettre d’en paraphraser un passage parlant de l’économie grise de la copie. Je pense en effet qu’elle donne des pistes solides pour développer de nouvelles stratégies de business (parfaitement légales) dans des secteurs assez sinistrés comme l’industrie du disque et des médias (à quand Hadopi 3 pour la presse écrite ?) dont il s’agit ici.
Je pense que la plupart d’entre vous connaisse la situation du marché de la copie en Chine. Disons tout d’abord que c’est en Chine un impératif culturel : on copie les maîtres pour apprendre à faire et à faire mieux. Dans cette perspective on ne vole pas de la propriété intellectuelle. Tous ceux qui ont d’ailleurs un peu travaillé à l’étranger savent que cette notion de propriété n’est comprise que par très peu de cultures dans le monde, en-dehors de l’Europe, des US et du Japon, qui chacun représente 1/3 des dépôts des brevets mondiaux.
Par ailleurs la Chine est un marché en devenir. Toute l’énergie politique, économique et sociale de la Chine est tournée vers la création d’une classe moyenne stable et nombreuse. Sortir les gens de la campagne et les conduire dans une nouvelle société de consommation est l’urgence nationale. Or les chinois apprennent vite et acquièrent rapidement nos goûts occidentaux. Il est donc assez logique que sans respect prégnant de la propriété intellectuelle, une grosse part de leur industrie se développe en copiant les produits occidentaux. Ceux-ci sont demandés par les chinois, mais sans pouvoir se payer les originaux. L’activité de reproduction n’ayant pas à financer les coûts de R&D et de design, le coût marginal d’un faux sac Vuitton copié est donc abordable pour un chinois. Il ne faut par ailleurs pas oublier que c’est dans de nombreux cas les usines qui produisent les originaux, qui produisent aussi les copies, ou qui favorisent les fuites technologiques…
Tout est donc en place pour justifier l’existence de ce marché : pas de véritable frein culturel (ni même légal assez souvent), un besoin du marché intérieur grandissant, des savoir-faires apportés par les compagnies étrangères elles-mêmes.
La question que l’on peut se poser est la suivante : pourquoi donc se battre pour empêcher ce business ?
En effet il me semble qu’il n’y ait au final que peu de choses à lui reprocher, mais qu’il y ait beaucoup de choses à en apprendre. En ce qui concerne le marché intérieur chinois, comment penser par exemple qu’un travailleur de la classe moyenne gagnant 200 € par mois puisse se payer des vêtements français, de l’électronique japonaise, ou de l’informatique californienne ? C’est absurde. Cela veut donc dire que fondamentalement le marché de la copie en Chine ne peut en aucune façon cannibaliser le marché des produits originaux. Par ailleurs toutes les études de consommation démontrent que les consommateurs sont parfaitement lucides sur la différence en copie et original, en terme de qualité, de fonction, de design… de valeur ajoutée. Et que pire encore, la réputation et le paraître étant extrêmement importants dans ces nouvelles classes moyennes, ceux-ci quand ils le peuvent matériellement achètent les originaux.
Sans vouloir en dresser un tableau trop idéalisé, la situation est quand même bien différente de celle décrite par les lobbies industriels. Que pouvons-nous en tirer sur nos propres marchés intérieurs ?
Certes, le marché de la copie n’apporte aucun revenu direct aux industriels copiés. Il sert néanmoins d’outil marketing puissant… et totalement gratuit. Et je crois très hypocrite de ne pas mesurer ce bénéfice. Le marché de la copie sert en réalité à évangéliser des masses qui n’auraient eu aucune chance de découvrir le produit original, et qui seront prêtes quand cela sera possible d’acheter ce produit original. Pour l’industriel cela revient à gérer un marché de gratuité (sa propriété intellectuelle est utilisée sans contre-partie) et à terme son marché normal (avec des consommateurs « premiums » anciens acheteurs de copie et maintenant capables de se payer les originaux).
Vues sous cet angle les choses prennent un tour un peu plus normal non ? Et cette vision n’est pas bien nouvelle. Deux professeurs de Stanford : Kal Raustiala et Christopher Sprigman, ont d’ailleurs appelé ce mécanisme le Paradoxe du Piratage. Ils expliquent par ailleurs que la dynamique de ces deux marché est un cercle vertueux pour les industriels ou les créateurs de mode : quand les masses adoptent un modèle qui a été copié, les élites ont rapidement besoin de renouveler le modèle original pour garder une distinction évidente.
Mais quid de nos propres marchés intérieurs ?
Si l’on regarde l’industrie du disque nous sommes bien en face des mêmes types de paradoxes : beaucoup de « consommateurs » de musique illégalement gratuite et une marge décroissante d’utilisateurs premiums achetant réellement un CD. Une différence de taille étant sur le fait que le marché finançant l’industrie est effectivement en décroissance, contrairement à la Chine où il croît. Ceci étant il va être difficile de remettre le dentifrice dans le tube : une fois la gratuité de fait acquise par la propagation électronique des médias sur internet qui ne pourra jamais plus être contrôlée, que faire ?
Et bien il y a là aussi plusieurs logiques conduisant à favoriser le piratage.
Une de ces logiques est celle de la visibilité maximale.
Partons du principe qu’à terme il sera plus économiquement possible de vendre des CD. Autant dans ce cas abandonner immédiatement et changer de business model. Le piratage a l’insigne avantage de favoriser la visibilité des artistes par la diffusion la plus large possible de leur œuvre : on supprime les barrières et on favorise l’adoption. Dans ce type de scénario l’artiste ne perd pas tout et a de meilleurs moyens de récupérer sa mise. Il doit pour cela tabler sur la seule monétisation de services premiums : concerts, sponsoring, merchandising, passages en TV… En bref la vente de sa prestation live et de son image de marque. Je ne pense pas que cette stratégie soit très innovante non plus, dans la mesure où c’est le mode de fonctionnement de Madonna aujourd’hui comme des Tecnobrega dans la rue au Brésil.
Le problème vient bien entendu des majors du disque qui elles perdent leur place dans ce business model. Elles deviennent de plus en plus un intermédiaire obsolète, entre un marché et les artistes associés à leurs agents, tout juste capable de pousser quelques gouvernements à des mesures policières vaguement incantatoires.
Ce que le marché chinois nous apprend donc, c’est que la diffusion ouverte de contenu créatif, de design et de propriété intellectuelle sous toutes ses formes est une stratégie parfaitement efficace, pour toucher un large marché et en capter une partie en tant que marché premium. Je ne suis pas férocement libertaire, mais il arrive un moment où le pragmatisme peut être de rigueur…
Un détail toutefois : nous sommes sur un blog orienté cinéma et non musique.
Sinon dans le fond, c’est totalement vrai.
Malheureusement, il n’y a pire aveugles que ceux qui ne souhaitent ouvrir les yeux.
Les chinois sont des spécialistes de la copie illicite. c’est un business mafieux très bien organisé.
D’après nos ministres nous sommes les champions dans ce domaine. Enfin de l’autre coté de la manche ils revendiquent le même titre. Rha mais mettez vous d’accord à la fin.
Notons qu’en France, il n’y a aucun intérêts financier dans le soit disant « piratage » (et heureusement). Enfin pour l’instant… HADOPI a commencé à ouvrir la porte a des services que l’on pourrais considérer comme mafieux : les VPN cryptés payants. Le nouvel opium des mafias européennes?
Je suis d’accord avec ça, j’en parle d’ailleurs régulièrement dans les commentaires que je laisse.
Fermer la porte à une licence créative (ni forcément globale, ni forcément obligatoire) ouvre la porte à ceux qui sont prêts à payer pour continuer à pirater tranquillement.
Cette manne financière qui va aller enrichir des groupes sans beaucoup de scrupules pourrait tout aussi bien aller dans la poche de la création.
Il est envisageable par exemple de proposer aux internautes qui le souhaite de payer une somme mensuelle qui les mettrait à l’abri des poursuites de l’Hadopi (attention, je ne parle ici que de petits contrefacteurs et non ceux qui en font commerce).
Parce qu’à l’heure actuelle, on voit le marché évoluer et pas dans le bon sens.
Les gens se méfient de cette future loi et cherchent non pas à se mettre dans le « droit chemin » comme l’espéraient les industriels, Mr Nègre en tête (multiplication des ventes de CD par 3 à 4 avait-il dit) mais bel et bien à pouvoir continuer leurs téléchargements en passant entre les mailles du filet Hadopien.
Le soucis, c’est que de nombreux moyens existent !
– Les abonnements premium à Rapidshare et autre Megaupload
– Les abonnements aux VPN cryptés à la Ipredator
– Les abonnements aux Usenets
…
Tous ces moyens qui permettent de se prémunir d’Hadopi font de plus en plus d’adeptes, avec pourtant des montants d’abonnements souvent assez élevés !
Bref, de toutes façons, je pense que mon message est vain puisque je le ressasse ce message depuis longtemps sur ce blog, mais qu’il n’a jamais trouvé d’oreille attentive.
Ce n’est pas grave, pour donner de l’argent à la création, j’irai mettre 10 euros dans une place de ciné… ou pas !
1)-quelles sont les compétences des ces « trois personnalités incontestables » en matière d’Internet et de création audio-visuelles pour que vous utilisiez le terme « Incontestable » ?