Belle année 2020 et elle sera animée

20 janvier 2020 par - audiovisuel

©Paramount Pictures

La semaine dernière se tenait  l’inauguration en grandes pompes des bureaux de Neftlix à Paris autour de son emblématique patron Reed Hastings, de la maire de Paris, Anne Hidalgo et du ministre de la Culture, Franck Riester.

Tout le Paris de l’audiovisuel et du cinéma s’y est retrouvé, aussi bien les précoces enthousiastes de la firme de Los Gatos que tous ceux qui n’avaient jusqu’à encore peu de temps pas de mots assez durs contre ce nouvel entrant qualifié d'envahisseur dont tout laisse à penser que l’épaisseur du portefeuille aide à faire progresser les mentalités.

Toujours est-il que le ministre a su trouver dans son discours un point d’équilibre entre un accueil chaleureux et bienveillant (proposant même à son interlocuteur un plan cœur ) et le rappel de l’ambition française en matière de soutien à la création, dont les diffuseurs, numériques ou non, doivent être des partenaires de premier rang.

C’est aussi dans cet état d’esprit que la SACD a organisé il y a quelques jours un point presse pour présenter les positions qu’elle défendra auprès des parlementaires lors de l’examen prochain du projet de loi sur l’audiovisuel.

A l’heure où les couloirs de l’Assemblée bruissent des lamentations des uns et des jérémiades des autres et où les agités de la buvette rêvent de coups tordus et de petits arrangements secrets, faire preuve de transparence est un exercice auquel chacun ferait bien de s’astreindre, sauf, on peut le comprendre, à défendre des intérêts peu reluisants ou suffisamment éloignés de l’intérêt général pour rester cachés.

Ce n’est pas notre cas, nous qui défendons une politique publique de l’audiovisuel qui remette en son cœur les auteurs et qui redonne de la vigueur à un droit d’auteur à la française qui est partie intégrante de notre modèle : obligation d’associer les auteurs aux négociations professionnelles ; renforcement des dispositifs pour faire respecter les droits moral et patrimonial des auteurs ; transposition de la directive sur le droit d’auteur, porteuse de nouvelles protections pour les créateurs ; renforcement des moyens du CSA pour faire respecter les droits d’auteur par les chaînes et les plateformes numériques.

Au-delà de ces mesures, déjà intégrées au projet de loi par le gouvernement et qui ont l’air d’en faire trembler certains, tant leur activisme style lobbying à l'ancienne au Palais Bourbon est forcené, l’important est aussi ce qui n’y figure pas. Ou, du moins, pas encore.

Le principe d’un encadrement des pratiques contractuelles entre auteurs et producteurs en est un qui mériterait de s’y retrouver en bonne place.

On peut tous se rallier à cette idée d’une nouvelle alliance entre les acteurs nationaux de l’audiovisuel, promue notamment dans un rapport l’an dernier par Aurore Bergé, future rapporteure générale de ce projet de loi. Il n’en reste pas moins que cette alliance, pour être effective et équilibrée, doit faire prévaloir un principe simple : protéger et préserver la partie la plus faible.

Cela doit valoir autant dans la relation producteur-diffuseur que dans le rapport entre un auteur et un producteur. Pas plus, pas moins. Or, les protections collectives des auteurs relèvent aujourd’hui d’une forme de préhistoire ou d'un régime rappelant celui des maitres des forges  sans le paternalisme social qui l'accompagnait, qu’il va bien falloir faire évoluer rapidement pour nous rapprocher de la civilisation et de la régulation.

C’est aussi là l’ambition qu’une loi peut fixer, en laissant d’ailleurs aux professionnels un délai raisonnable pour s’entendre et définir ensemble des règles mieux-disantes.

Ce qui n’y est pas non plus, c’est l’avenir de France Télévisions. Certes, le projet de loi envisage de modifier les structures de l’audiovisuel public, de revoir sa gouvernance et de préciser ses missions. Mais, l’annonce de la disparition de France 4 le 9 août 2020 est sans doute beaucoup plus structurante et inquiétante que le reste.

Pour faire bref et même lapidaire, retenons outre la sensible réduction des films de cinéma qu’il s’agit d’une réforme :

 

  • Idéologique qui prépare au rétrécissement global du périmètre de France Télévisions
  • Qui générera très peu d’économies (moins de 10 millions d’€ de frais de diffusion)
  • Qui sera dommageable pour l’accès des Français aux programmes du service public
  • Qui réduit de 40 % le volume de diffusion de l’animation sur les chaînes de FTV alors que les usages en linéaire des jeunes sont loin d’avoir disparus : 1 million d’enfants regardent France 4 tous les jours, 3 millions toutes les semaines et 5 millions tous les mois
  • Qui risque de fragiliser France Télévisions, confronté à une ultra-concurrence sur le numérique en matière d’offre jeunesse (Netflix, YouTube et, demain, Disney+)
  • Qui est à rebours de ce que font tous les grands services publics européens qui font le choix intelligent d’organiser une complémentarité entre l’offre linéaire et l’offre non-linéaire
  •  Qui va même à l’encontre de ce que font les chaînes privées qui continuent à investir sur des chaînes linéaires pour les enfants (Rachat de Gulli par M6)

 

 

Heureusement, il n’est pas encore trop tard pour revenir sur ce qui ressemble à un accident à venir et adopter un moratoire de 2 ans qui ne serait pas une décision déshonorante.

L’examen dans quelques semaines du projet de loi par la représentation nationale devrait offrir les conditions d’une telle réflexion collective et, on l’espère, d’une avancée au bénéfice des enfants, des créateurs, du secteur de l’animation et même de l’audiovisuel public.

Belle année 2020 à toutes et à tous et ne vous inquiétez pas , elle sera animée.

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