Le droit d’auteur, ce pelé, ce galeux

9 novembre 2009 par - économie numérique

2007-01-14-beaumarchaislnvité par Janine Langlois Glandier à un colloque sur la télévision du futur, j'ai eu l'impression d'être emmené par H.G. Wells dans sa fameuse " machine à remonter le temps ".

Le représentant de la Commission européenne,au demeurant charmant garçon expliquait ,en effet ,que le droit d'auteur était le principal obstacle à la création d'un marché européen permettant de développer l'offre légale de films et de musique sur Internet.

Ce discours rappelait étrangement celui tenu au début des années 80 par d'autres représentants de la commission qui dans le cadre de la création du marché unique de la télévision et de l'élaboration de la directive télévision sans frontières avaient  identifié un obstacle majeur, un pelé ,un galeux d'où venait tout le mal :le droit d'auteur.

A l'époque leur idée, génialement simple et ô combien moderne, était d'exproprier les auteurs et producteurs de leur droit d'autoriser et d'interdire pour généraliser un système de licence légale.

Le tollé suscité par cette initiative fit que la directive télévision sans frontières fut expurgée de sa partie droit d'auteur, cette question étant traitée séparément par un autre texte communautaire la directive "cable et satellite" qui ironie suprême décréta l'interdiction de tout système de licence légale applicable à la retransmission simultanée et intégrale des émissions de télévision.

Celles ci  circulent au sein de l'Union européenne et le droit d'autoriser et d'interdire subsiste.

Le droit d'auteur est une matière complexe, mais la commission devrait honnêtement reconnaitre que les organes communautaires n'ont rien fait pour le simplifier, puisque par exemple la directive "Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information" au demeurant parfaitement illisible donne à chaque Etat la possibilité de puiser librement dans une longue liste d'exception, véritable inventaire à la Prévert.

De même , il était cocasse d'entendre des représentants des opérateurs de télécommunication plaider pour un guichet unique , alors que la commission a semé la pagaille dans le domaine des autorisations d'exploitation des oeuvres musicales, en mettant en cause sous prétexte de concurrence un système de centralisation des droits apprécié par les utilisateurs.

Internet est un prétexte idéal pour sous couvert de modernité affaiblir les droits des créateurs.

Espérons que pour une fois nous nous baignerons dans le même fleuve que celui qui avait emporté les vélléités d'expropriation à l'époque des working girl.

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Commentaires (3)

 

  1. Stun dit :

    D’un autre coté, à vouloir à tout prix conserver cet horrible processus dans l’état, les industriels du divertissement vont tous y passer… Les artistes, eux n’auront pas de mal à changer leurs moyens de rémunération…

    Trois choix :
    – Rien changer et mourir
    – Changer en profondeur le droit d’auteur et tenter de pas trop faire de dégats dans vos rangs
    – L’interdire. débile, depuis quand on ne laisse pas le choix aux artistes de se faire « plumer » (contre parfois quelques avantages)…

  2. Lucien Véran dit :

    Une offre légale sans aucun droit ?

    Petit exercice intellectuel pour économiste du droit, technocrate distingué ou libertarien technophile : imaginez un marché non mafieux (sans domination par la violence physique ou la menace) et non utopique (sans monnaie et où tout peut se donner) un vrai marché donc. Essayez de le penser sans droit ni obligation d’aucune sorte (même pas de payer) et en particulier sans aucune forme de droits de propriété. A moins d’être la réincarnation de Thomas More (http://www.luminarium.org/renlit/morebio.htm) l’exercice est très difficile.
    En Utopie, tous tiennent leurs promesses, tous sont dignes de confiance et un échange de musique aujourd’hui contre du pain demain est sans risque. Sur les marchés réels et plus encore sur les marchés numériques les droits de propriété lorsque protégeables sont des substituts à la confiance « perdue » les nier rétablirait il la confiance ?
    Si l’on pousse l’exercice, aucun marché, aucun échange, aucune offre légale ne sont pensables sans une forme ou une autre de droit de propriété.
    Loin d’être un obstacle le droit de propriété est, avec la monnaie, le ciment même des marchés et plus généralement des échanges. Et ce en fait même dans un espace non monétisé ou coopératif où pour troquer un talent contre de la nourriture ou du bois de chauffage il faut bien que l’on sache qui a le droit de troquer quoi.

    (Voir l’œuvre impressionnante d’Elinor Oström, http://dlc.dlib.indiana.edu/dlc/ récente prix Nobel d’économie pour ses travaux sur des formes de propriété intermédiaires, les « commons »)

    Bonne soirée.

    Lucien véran.

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