Greed

14 novembre 2012 par - économie numérique, Weblog

Un Higgins peut en cacher un autre. On connaissait déjà le célèbre majordome anglais, fin et distingué, qui veillait sur un magnifique domaine hawaien dans la série Magnum, on suivait les compétitions du non moins fameux joueur de billard, on en découvre un autre, John Higgins, Directeur général de Digital Europe, l’un des lobbys des industries numériques en Europe. C’est à l’évidence un personnage plus actuel, moins gentleman et qui, sans vergogne, pratique la captation abusive d’héritage. Celui de Beaumarchais et de Molière.

Il faut être quand même singulièrement inculte ou provocateur pour  invoquer les mânes de ces deux auteurs français célèbres, dont le premier a été le créateur de la SACD, dans le seul but de justifier la disparition de la rémunération pour copie privée.

Nous n’aurions donc rien compris, le combat de Molière et de Beaumarchais serait de laisser tout à chacun jouir librement de leurs œuvres sans se soucier vraiment de savoir s’ils ont ou non un droit à rémunération ou à compensation de leur préjudice.

Si le champion du matériel numérique avait  un minimum de curiosité intellectuelle, il se serait aperçu que le combat de Beaumarchais fût justement de constituer un bureau des auteurs pour créer un rapport de force avec les comédiens de la Comédie-Française qui piochaient dans le répertoire de tous les auteurs de théâtre sans se soucier ni de leurs droits ni de leur rémunération.

Cette démonstration croquinolesque et pitoyable témoigne surtout de l'arrogance et de la volonté des géants du numérique de continuer à s’exonérer de toute obligation à l’égard de la création et de la diversité culturelle. Ce sont , il faut le souligner, les mêmes qui font de l’ optimisation fiscale une combine très rentable au détriment des Etats et des citoyens comme l'a révélé Jamal Henni de BFM business ; les mêmes qui ne savent plus comment utiliser les milliards de cash-flow qui dorment dans des comptes au Bahamas ou aux mal dénommées Îles Vierges.

Et dans les pays où la copie privée n’existe pas, au mépris de la réglementation européenne, comme en Grande-Bretagne, ou dans ceux comme l'Espagne où elle a été budgétisée pour faire payer les contribuables plutôt que les richissimes entreprises numériques, les prix des supports d’enregistrement n’ont pas baissé et sont même parfois plus chers qu’en France.

Belle avancées pour les consommateurs européens !

La copie privée n’est pas une anomalie, pas plus à l’ère numérique qu’auparavant. Elle vient compenser un préjudice né de l’expropriation du droit d’autoriser ou d’interdire la copie d'une oeuvre, droit qui est  à la base même du droit d’auteur.

Elle est bien autre chose que les caricatures et les procès qu’on lui fait subir depuis plusieurs années et des faux procès que lui font avec une constance bien loin du marivaudage certains membres du collège des importateurs et revendeurs qui viennent de mettre en scène leur démission collective de la Commission Copie privée.

Une mise en scène ratée par des personnes qui elles aussi n’ont cessé d’abuser, non pas d’un quelconque héritage, mais du langage.

Car de taxe, il n’y a point, il s’agit seulement d’une rémunération juste et légitime.

D’industriels non plus il n'y a point puisque nous n’avons trouvé pour l’heure que des importateurs et revendeurs de matériels fabriqués dans de lointaines contrées asiatiques et que les vrais industriels, ceux qui créent les réseaux de télécommunications, sont toujours partie prenante des discussions

En revanche, puisque leur démission devrait leur laisser du temps libre, qu’ils soient encouragés à poursuivre dans la voie de la création et du spectacle, car ces dernières années, ces intermittents de la commission adeptes de la politique de la chaise vide, ont su adopter qui, le registre du vaudeville et de la comédie de boulevard, qui la tragi-comédie, qui le film d’angoisse avec un corbeau plus vrai que nature.

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Commentaires (10)

 

  1. hdizlb dit :

    Bonjour,

    Vous prétendez que la taxe pour copie privée est juste et légitime. Pour vous donner un exemple du contraire : j’achète un disque dur pour y stocker mes photos. Je ne copie aucun de vos précieux contenus, et pourtant je dois payer un peu plus pour chaque giga de mémoire que j’aimerais acheter. Là réside tout le problème. Voilà, j’attends votre réponse – qui ne manquera pas d’être éclairante je suppose.

    • Pascal Rogard dit :

      C’est parfaitement exact mais il est impossible au moment de l’achat de supports hybrides de préjuger l’usage qui en sera fait par chaque utilisateur. C’est pourquoi les barèmes prennent en compte ce type de comportement des consommateurs de façon globale mais non individuelle.
      Cette manière de procéder a été confortée aussi bien par la jurisprudence européenne que par le conseil d’Etat

  2. vivi dit :

    Le problème quand on se vote (de fait) sa propre rémunération, c’est qu’il faut être capable d’un sacré self-control pour qu’elle reste juste et légitime …

  3. yann dit :

    « La copie privée n’est pas une anomalie, pas plus à l’ère numérique qu’auparavant. Elle vient compenser un préjudice né de l’expropriation du droit d’autoriser ou d’interdire la copie d’une oeuvre »

    C’est bien gentil, mais quand je rachète une carte SD pour mettre la cartographie europe de mon Tom-Tom dessus par achat en ligne… il est ou le préjudice alors que je paie la propriété intellectuelle de ma cartographie en direct?

    On pourrait multiplier les exemples qui montrent que ce concept est totalement inique et ne peut plus tenir.

    Vous dites par ailleurs que les prix ailleurs ne sont pas plus bas! Là c’est le ponpon, car c’est nier la réalité du marché gris!

    Même l’état doit commencer à se dire qu’il faut arrêter les conneries, car il ne touche alors plus rien avec cette masse d’achat de stockage à l’étranger: Il sacrifie sa TVA à vos subsides!

    Votre situation devient totalement intenable…

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