Une journée particulière

25 juin 2018 par - audiovisuel, Cinéma, économie numérique

 

©Les Acacias

Mercredi 20 juin 2018

Avec le vote de sa Commission Juridique mercredi 20 juin, la directive sur le droit d’auteur vient de franchir une étape importante au Parlement européen.

Le droit à une rémunération juste et proportionnelle pour les auteurs audiovisuels également !

Par 14 voix contre 11, les députés ont voulu changer la donne, souvent perdante aujourd’hui pour les auteurs en Europe.

Avec ce droit, non seulement, tout auteur, scénariste et réalisateur, partout en Europe devrait pouvoir bénéficier d’une rémunération juste et proportionnelle. Mais, ce droit est aussi celui d’être prévu et pris en charge via la gestion collective qui est aujourd’hui encore le seul garant d’une rémunération transparente, effective et proportionnelle pour les auteurs.

Et pourtant, pour en arriver là, ce sont des montagnes qu’il a fallu renverser. Le vote doit beaucoup à l'implication personnelle de notre ministre de la culture Françoise Nyssen qui s'est engagée résolument aux côtés des créateurs européens.

Il doit aussi beaucoup aux parlementaires qui ont compris les enjeux et se sont mobilisés, les français faisant preuve d'une particulière cohésion et détermination.

Mais quelle tristesse de constater qu'il existe  Europe des opérateurs pour lesquels rémunérer un auteur et l’associer aux fruits de l’exploitation de son œuvre est une incongruité et presque un scandale.

Ces apôtres du travail désintéressé et de l’exploitation, non pas des œuvres, mais des femmes et des hommes qui les créent, se retrouvent dans des corporations bien différentes.

Évidemment, les lobbies du numérique ont su se mobiliser pour réclamer le statu quo, jusqu’à dans les derniers jours faire tourner des camions publicitaires place du Luxembourg inonder les parlementaires de spams pour clamer leur amour de la liberté. Mais ceux qui veulent ainsi écrire Liberté partout ne sont pas tous des Paul Eluard mus par le désir de rémunérer justement les poètes d’aujourd’hui.

Plus surprenante et décevante, est l’énergie qui a été consacrée par les représentants des producteurs français de cinéma pour lutter quotidiennement, pied à pied, contre ce droit à une rémunération proportionnelle des auteurs.

A force d’arguments erronnés et de messages mensongers, ils ont largement contribué dans dans leur domaine à donner des illustrations de ce que les "Fake News" peuvent être.

C’est  un exercice qui n’honore pas ceux qui s’y sont livrés et qui tout en prônant en permanence l’inséparabilité du couple Auteurs -producteurs, ont par la même créé les conditions de la défiance et de la désunion.

Car invoquer la liberté contractuelle c'est plaider pour le pot de fer contre le pot de terre.

Aux Etats Unis grâce à de rudes combats syndicaux scénaristes et réalisateurs bénéficient de rémunérations proportionnelles aux recettes d'exploitation gérées collectivement par les guildes.

Ils serait paradoxal qu'au sein de l'UE les créateurs aient moins de droits que leurs collègues d'Outre atlantique ou même que les auteurs et compositeurs de la musique de leurs films et séries qui sont protégés par l'organisation de leurs sociétés de perception  qui regroupent auteurs et éditeurs.

Alors qu’ils auraient dû lutter à juste titre pour obtenir une transparence accrue des plateformes à leur égard en particulier pour connaitre les résultats de l’exploitation et de la vision des œuvres, il a semblé plus utile , urgent et intelligent à ces français oublieux de l'exception culturelle de s’engager dans une autre démarche : s’attaquer à ce qui est un véritable progrès pour les auteurs européens, un progrès qui de surcroît ne leur enlève rien, ni moralement ni financièrement.

La petite histoire dira peut-être quel mauvais génie a pu les inspirer dans cette affaire, quelles sombres personnalités errant depuis sans doute trop longtemps dans les couloirs bruxellois ont pu leur donner de si piteux conseils.

Toujours est-il qu’on peut souhaiter que la suite du parcours législatif du texte, avec le vote en plénière le 4 juillet prochain, et l’ouverture du trilogue associant le Conseil, la Commission et le Parlement Européen, fasse souffler de leur part des vents moins mauvais. Et plus respectueux des auteurs dont ils réclament sans cesse le soutien pour lutter efficacement contre la piraterie audiovisuelle.

 

 

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