L’exception ne doit pas être la règle

24 janvier 2019 par - économie numérique

© Regency

Il est décidément difficile pour l’Europe d’avancer sans ajouter une intensité dramatique à sa prise de décision. Le dernier épisode en date est l’échec des Etats européens à adopter une position commune sur le projet de révision de la directive droit d’auteur vendredi 18 janvier.

 

Un gros caillou s’est en effet glissé dans la chaussure européenne avec l’opposition qui s’est faite jour entre européens mais plus directement entre  allemands et français sur le très discuté article 13

Le désaccord a porté sur le champ des plateformes qui seront soumises à cette obligation d’obtenir les droits des œuvres disponibles sur leurs réseaux et d’adopter les mesures propres à éviter que des « œuvres  » illicites n’y prospèrent.

 

D’un côté, les allemands ont plaidé pour que l’application de cet article ne concerne pas les petites et moyennes entreprises et "start-up" réalisant  moins de 10 millions d’€ de chiffre d’affaires et réunissant moins de 50 salariés. De l’autre côté, les Français se sont élevés, à juste titre, contre ce qui serait un droit d’auteur à deux vitesses, qui ferait dépendre le respect des obligations de l’article 13, à l’égard des auteurs, de la taille de l’entreprise qui exploite les œuvres. On imagine assez facilement les risques de contagion, de contestations et d'affaiblissement généralisé du droit d'auteur liés à cette nouvelle exception.

Il ne s'agit pas là d' une micro-querelle impliquant les spécialistes européens du droit d’auteur mais d' une question de fond.

En l’occurrence, ce serait créer un dangereux précédent et favoriser une  régression totalement injuste pour les créateurs et les ayants-droits si l’Union européenne validait un système permettant à certaines entreprises de priver les auteurs du contrôle de l’utilisation de leurs œuvres et de l’espoir d’obtenir une rémunération.

 

Il faut remercier les autorités françaises d’avoir fait preuve de cohérence en défendant les principes du droit d’auteur, qui gagneraient à être plus largement partagés au niveau européen face à l'offensive sans précédent des GAFA non concernés par l'exception mais qui utilisent leur puissance commerciale pour inonder de fausses nouvelles les responsables politiques et  les internautes afin de détricoter l'article 13.

La France continue  à défendre en bloc l’article 11 qui créé un droit voisin pour les éditeurs de presse, cet article 13 et l’article -14 qui reconnait un droit à rémunération proportionnelle pour les auteurs et les artistes .

 

Ce nouveau retard n’est pas sans conséquences : dans cette dernière ligne droite où désormais le temps est compté, il a déjà provoqué l’annulation du trilogue qui devait réunir le Conseil, la Commission européenne et le Parlement européen.

 

Il ne reste en effet plus que quelques semaines pour que le trilogue ne devienne pas un dialogue de sourds et  parvienne à un accord afin  de laisser le temps aux juristes-linguistes de faire ce long, fastidieux mais indispensable travail de traduction de la directive dans toutes les langues de l’Union.

 

On peut donc espérer que les discussions en cours, notamment entre l’Allemagne et la France, laissent entrevoir enfin une lumière au bout du tunnel de la directive droit d’auteur, sans rien défaire de l’ambition qui doit être portée par l’Europe : Etre une terre de défense du droit d’auteur, de soutien aux créateurs et de promotion de la création.

 

A l’heure où la France et l’Allemagne viennent de signer le Traité d’Aix-la-Chapelle, non pas pour vendre l’Alsace et la Moselle à l’Allemagne, comme tentent de le faire croire des populistes qui ont  la chance que le ridicule ne tue pas, mais pour approfondir les relations entre nos deux pays, tous les espoirs sont permis !

 

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