Un voyage de Gulliver

1 mai 2011 par - audiovisuel

Il arrive que les extrêmes se rejoignent ou que se nouent d’étranges complicités.

C’était le cas devant le Conseil d’Etat saisi par deux organisations de producteurs le SPI et le Satev ainsi que par M6 d’un recours en annulation contre le décret du 21 octobre 2009 qui a fixé les nouvelles obligations des opérateurs historiques de la télévision à l’égard de la production audiovisuelle française et européenne en application des accords conclus avec l’ensemble des chaînes concernées.

Il est vrai que les trois compères s’étaient déjà côtoyés dans le cadre de la négociation des nouvelles règles du jeu puisqu’ils avaient signé hors de la présence des auteurs et des principaux syndicats de producteurs l’USPA et le SPFA un accord vite désavoué par Christine Albanel pour cause d’insuffisance de représentativité .

Nicolas de Tavernost avait su habilement jouer du désir de reconnaissance sociale des petits de la profession pour les amener  à la table de négociation et en maître boulanger les rouler dans la farine.

Mais l’argumentation des amis d’un jour n’a pas convaincu la haute juridiction administrative qui a validé les décrets et renvoyé les demandeurs à une studieuse étude du  traité de droit administratif d’André de Laubadère.

Plus particulièrement, le Conseil d’Etat a rejeté l’argumentation de M6 qui prétendait que la publication en octobre d’un décret applicable à l’année en cours valait rétroactivité en rappelant notamment que le décret n’était que la transcription des accords conclus un an auparavant et qu’en conséquence M6 connaissait parfaitement les règles qui lui seraient appliquées et avait donc tout le temps nécessaire pour s’y adapter.

Cet arrêt met le CSA dans un grand embarras puisque l’autorité de régulation a omis de sanctionner le manquement de M6 en matière d’obligations patrimoniales qui s’élève excusez du peu à 9 millions d’Euros en invoquant ce motif de publication tardive.

Il est vrai que l’autorité de régulation a plus de facilité pour sanctionner les petits manquements que les grands.

Le Conseil d’Etat examinera à nouveau cette question puisque l’Uspa, le SPFA, la SACD et la SCAM mais ni le SPI et le SATEV aux abonnés absents l’ont saisi d’un recours contre la décision  de ne pas sanctionner cette faute lourde.

Comme je l’ai récemment expliqué lors de la table ronde sur l’avenir de la production audiovisuelle organisé au Sénat sous la présidence de Jacques Legendre puis de Catherine Morin Desailly, le système actuel qui a l’immense mérite de favoriser les négociations professionnelles et donc des règles mieux adaptées aux spécificités de chaque diffuseur peut encore être amélioré en substituant à l’obligation d’en passer par un décret une possibilité d’extension comme dans le domaine des conventions collectives.

L’expérience des dernières négociations montre, en effet, que les acteurs du secteur savent faire encore plus compliqué que les rédacteurs de l’administration et que la transposition en langage réglementaire de ces subtilités est un véritable casse-tête.

Ajoutons que la définition de critères de représentativité ne serait pas inutile pour éviter de nouvelles aventures  dans les contrées lointaines des voyages de Gulliver

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