Le « Yips » du régulateur

11 décembre 2021 par - audiovisuel

©Gaumont

Il arrive aux meilleurs golfeurs de rater un putt de 30 cm et de passer en un clin d'oeil de la victoire à l'échec.

L' échec peut être provoqué par une mauvaise lecture de la pente, une précipitation inadéquate ou une sorte de mouvement inconscient le "Yips".

C'est sans doute une forme troublante de "Yips" et une malencontreuse précipitation qui ont conduit le CSA dans la dernière ligne droite du long parcours politique et juridique de la régulation des plateformes Internet à affaiblir considérablement le système de soutien à la création audiovisuelle en abaissant à 95% l'engagement dans les vraies oeuvres de création qualifiées de patrimoniales et surtout en réduisant de 85% à 75% le niveau d'investissement dans les oeuvres d'expression originale française qui  constituent le coeur de notre patrimoine culturel.

Pressé d'afficher la symbolique d'une négociation réussie avec Netflix , Amazon prime et Disney +, le CSA a perdu de vue  les principes , les règles édictées par le gouvernement et utilisé à mauvais escient le pouvoir de modulation dont il dispose.

Curieusement, les rabais ne concernent que les oeuvres audiovisuelles, car en l'absence d'accord sur la chronologie des médias, aucune convention ne pouvant être conclue, le régulateur a fait preuve de la fermeté qu'impose le régime de notification.

Le manque de vertu est ainsi récompensé et c'est tant mieux pour le cinéma français.

Si l'on trace la trajectoire qui a conduit notre pays au plus haut degré en Europe de soutien à la création, il est frappant de constater que chaque étape a fait l'objet d'une concertation approfondie, d'une écoute attentive de tous les acteurs et d'une transparence dans l'élaboration des règles en particulier lors de l'élaboration du décret SMAD grâce à l'impeccable travail conjoint de la DGMIC et du CNC  et au soutien politique constant du Parlement, du Gouvernement et du Président de la République, toutes les étapes sauf une malheureusement la dernière qui est décisive.

Alors que la loi et le décret encouragent des négociations professionnelles, à aucun moment le CSA n'a cherché à faciliter ces discussions, à aucun moment il n'a mis sur la table les propositions qu'il entendait faire aux opérateurs et c'est par le hasard de conversations de couloir que les représentants  des auteurs ont été informés des concessions inadmissibles qui avaient été formulées.

Me revient en mémoire ce vers de Racine :"Vous êtes jeune encore et l'on peut vous instruire" car l'autorité de régulation n'ayant jamais eu vraiment affaire aux géants de l'Internet, ni évolué dans un cadre radicalement nouveau a été victime d'une forme de "prisonnière espagnole" et perdu de vue les objectifs de notre politique publique.

S'il n'est pas contestable que le CSA dispose d' un pouvoir de modulation des règles édictées par le Parlement et le Gouvernement , les éventuelles modulations doivent être justifiées par les particularités du service qui demande le conventionnement de son activité.

Il est parfaitement compréhensible que le régime de base défini par le gouvernement soit adapté par exemple pour un service de VAD consacré à l'animation japonaise ou aux films de Bollywood et destiné à une communauté .

Mais en abaissant uniformément les règles de protection de la création française pour les 3 principaux services généralistes Netflix, Amazon Prime , Disney + l'autorité de régulation a usurpé un pouvoir dont elle ne dispose pas et s'est substituée au pouvoir réglementaire.

Si le gouvernement entendait faire moins de place à la langue française dans les obligations d'investissement, il l'aurait fait directement car il en a le pouvoir.

Ce choix politique n'a pas été le sien.

Au contraire, il a été fidèle au message de Jacques Chirac à Moncton (Canada) qui voulait une "francophonie fraternelle" et saluait "le combat acharné" et "la résistance quotidienne à l'assimilation" de nos amis acadiens.

Fidèle à  sa mission de défense de la création, des auteurs et de la langue française, la SACD demandera au Conseil d'Etat de se prononcer sur la validité des conventions conclues par le CSA.

 

 

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