La confrérie des larmes

7 juin 2019 par - audiovisuel, Cinéma

(©)EuropaCorp Distribution

Le nouvel exercice de contrôle de l’Assemblée Nationale sur la mise en œuvre des politiques publiques, qui a pris le doux nom de Printemps de l’évaluation, a manifestement fait pousser quelques bourgeons qui ne mériteront pas de fleurir quand il s’est penché sur le CNC.

 Dans le rapport écrit par la députée Marie-Ange Magne et discuté au sein de l' Assemblée Nationale, il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie.

Elle a évidemment raison quand elle plaide pour une convergence des taux des taxes payés par les services de télévision et par les nouveaux acteurs du numérique ou quand elle se prononce en faveur d’un soutien renforcé à l’écriture.

 En revanche, elle n’hésite pas à participer à de faux-procès orchestrés à l’encontre du CNC avec en arrière plan des malveillances  plus ou moins volontaires, des calculs intéressés, des visées destructrices  en particulier des télévisions commerciales .

En tout cas le coté cour des miracles de la représentation professionnelle dont beaucoup n'hésitent pas à mordre la main qui les nourrit  ne facilite pas la tâche des parlementaires ni celle de ceux qui dirigent le CNC.

La rapporteure a notamment dû trop écouter les doléances larmoyantes et le chœur  pleurnichard de ceux qui sont déçus de l’absence des professionnels du Conseil d’administration du CNC ainsi que des organisations de producteurs de documentaires et de reportages qu’elle a reçues.

Pointant du doigt un déficit de concertation, qui relève davantage du fantasme que de la vérité, ces dernières n’ont en fait jamais digéré la réforme du soutien au documentaire.

On peut remercier le CNC de l’avoir conduite et d’avoir introduit des critères d’aides plus culturels car la croissance des heures de programmes, et notamment de reportages bas de gamme, aurait vite abouti à faire exploser l’ensemble du compte de soutien de l’audiovisuel déjà fragilisé par le développement des feuilletons quotidiens.

 Sans doute aurait-elle dû procéder à une plus large concertation,à des auditions plus diverses et plus représentatives pour percevoir la réalité.

Si elle avait notamment entendu l’ensemble des auteurs et pratiqué la concertation approfondie qu'elle reproche au CNC de ne pas effectuer, elle se serait alors aperçue que toutes les organisations ne rejoignent pas le chœur amer des critiques du CNC et de l’organisation des réformes.

Chronologie des médias, plan en faveur des séries, modernisation de l’agrément d'investissement, accords sur la transparence…La vérité oblige à dire que pas une de ces réformes ne s’est faite  sans que plusieurs réunions d’au moins 40 personnes n’aient été organisées. Rien ne vaudrait une immersion des parlementaires dans les interminables réunions de concertation pour avoir une juste appréciation de la réalité.

 

S’attaquer à l’autonomie du CNC et à l’absence de concertation n’était semble-t-il pas suffisant car c’est aussi vers un encadrement et un plafonnement des taxes affectées qu’elle souhaite conduire le CNC.

L’idée n’est pas nouvelle car elle avait déjà été tentée par François Fillon et Jean-Marc Ayrault qui, l’un comme l’autre, n’ont pas laissé un souvenir impérissable aux créateurs.

Mais, cette mesure très « ancien monde » qui a suscité l'opposition de Franck Riester et de parlementaires comme Aurore Bergé et Emilie Cariou qui connaissent la complexité du sujet a sans doute l’avantage de plaire à Bercy mais aussi aux chaînes de télévision, les mêmes  qui ont essayé de dynamiter le budget du CNC devant le Conseil Constitutionnel l’an dernier, avec le renfort de cabinets d’avocats américains.

Ceux qui ont imprudemment lancé l'idée que notre pays produisait trop de films (pas les leurs évidemment) ont bêtement allumé la mèche de la réponse fiscale:  le plafonnement des ressources.

 

Cette mesure serait parfaitement inique. Sous couvert de rationaliser l’évolution des ressources du CNC, le plafonnement des recettes  conduirait à transférer à un Etat impécunieux le surplus qui serait décidé chaque année. Est-ce que les taxes affectées au CNC ont vocation à faire les fins des mois du budget de l’Etat ? Clairement, non.

 

Il est d’ailleurs paradoxal de réclamer un pilotage plus stratégique du CNC et en même temps, de faire peser un risque annuel de rabotage des ressources de l' établissement public qui serait alors bien en peine d’envisager une action s’inscrivant dans la continuité.

 

Cela ne serait pas une première. Il suffit d’ailleurs de se rappeler à quoi sert la TOCE, la taxe sur les télécoms inventée pour compenser la suppression de la publicité sur le service public et qui finit  désormais très largement dans les caisses de Bercy.

 

Ce plafonnement serait aussi parfaitement Illégitime et confiscatoire car rien ne justifie que des entreprises taxées pour financer la création audiovisuelle et cinématographique voient ces ressources servir à combler les trous du budget général de l'État et soient détournées de leur objet l'amélioration de la vitalité du secteur. Ce serait à la fois  nier le principe d'affectation des taxes au CNC, accréditer l'idée que les taxes servant à financer la culture sont supérieures aux besoins réels du soutien à la création et créer une surfiscalité culturelle. Brillant bilan !

 

Il faudrait sans doute plus d’un billet de blog pour souligner les autres déviances et erreurs d’un rapport dont on espére qu’il finira, comme d’autres, sur une étagère, pour pouvoir laisser travailler, tout en poursuivant sa modernisation, un CNC qui est aujourd’hui un établissement public que l'Europe nous envie  car il est performant, efficace et indispensable au dynamisme de la création, tant en matière de cinéma que d’audiovisuel.

 

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