Suite 2806 Sofitel croisette

21 avril 2014 par - audiovisuel, économie numérique

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Il y a presque trois ans en plein festival de Cannes éclatait l'affaire du Sofitel de New York  qui allait ruiner les espoirs présidentiels de Dominique Strauss-Khan et mettre fin à ses fonctions à la tête du FMI.

La prochaine édition qui verra le dernier  mandat présidentiel de Gilles Jacob sera à nouveau l'occasion de revenir sur cette stupéfiante histoire d'un puissant et d'une femme de ménage puisque sera présenté aux acheteurs étrangers le film d' Abel Ferrara " Welcome to New York " qui offre à Gérard Depardieu et Jacqueline Bisset l'occasion d'interpréter deux des principaux protagonistes de cette étrange affaire.

Mais au delà de l'objet filmique "Welcome to New York " va également secouer le Landerneau cinématographique  les producteurs et distributeurs ayant pris l'initiative d' éviter  les salles de cinéma françaises arguant du fait que la réglementation de la chronologie des médias leur interdit l'exploitation la mieux adaptée à sa carrière à savoir une exposition simultanée en salles et en VàD.

Ce choix est possible parce qu'aucune chaîne de télévision n'a voulu prendre le risque de préacheter les droits de diffusion ce qui laisse aux producteurs une maîtrise totale de leur démarche de commercialisation et ne les oblige pas à obtenir par une exploitation classique la qualification d'oeuvre cinématographique .

Commercialement le risque est sans doute bien calculé même si ceux qui l'assument ne connaîtrons jamais le manque à gagner d'un potentiel grand succès en salles.

Si le but de l´opération est aussi de bousculer la chronologie des médias en essayant d'obtenir la simultanéité d'une exposition en salles et en VàD l'entreprise est assez vaine car la protection minimale de la salle de cinéma est le seul élément de cette régulation qui ait été sanctuarisé par le Parlement et le seul qu'aucun des rapports successifs sur le sujet n'a remis en question.

Par contre peut-être être accèlèrera t'elle la prise de conscience de la nécessité d' adapter la chronologie aux nouveaux usages numériques même si beaucoup des professionnels qui sont en charge de les discuter croient encore que le chemin de fer fait tourner le lait des vaches.

L'obsolescence de la règlementation laisse le champ libre à des activités illicites qu'il est impossible d'éradiquer , la volonté politique de s'y attaquer faisant  clairement défaut dès lors que sont en cause non pas les pratiques mafieuses que tout le monde condamne mais les comportements des consommateurs qu'explique très bien une étude intitulée le péril jeune réalisée par l' Institut français de presse.

L'actuelle chronologie des médias pénalise les opérateurs vertueux au bénéfice du téléchargement illicite qui ne profite qu'à ceux qui le pratiquent les plus habiles d'entre eux cherchant même à le théoriser en utilisant effrontément le beau mot de partage pour désigner ce qui n'est que le vol du travail des créateurs.

Alors que faire ?

Le point crucial pour le financement du cinéma  français et le maintien de son rayonnement est la solidité de Canal plus car la chaîne à péage outre une forte obligation d'investissement est soumise à une clause de diversité qui irrigue largement la pluralité des talents.

Rien ne justifie que la vidéo physique en phase de décrépitude ni la VàD qui peut déjouer la territorialité de la règlementation bénéficient d'une chronologie aussi avantageuse qui repousse à 10 mois les diffusions des films par un opérateur sans lequel près de la moitié des films français n'existeraient pas.

Canal plus pourrait donc sans dommage pour les salles qui ont fortement accéléré la vitesse de rotation des films les diffuser 6 mois après leur  sortie en salles ce qui renforcerait son caractère de chaîne prémium  .

En contrepartie elle  renoncerait à imposer l'étanchéité de sa fenêtre, règle qui n'a rien à voir avec la chronologie des médias mais résulte d'une conception de l'exclusivité qui au lieu d'assimiler la VàD à l'acte à la vidéo physique la traite comme une diffusion télévisuelle.

Cette pratique coutumière rend l'offre numérique légale illisible pour le consommateur qui a l'impression de revenir au bon vieux temps du Goum moscovite les magasins se remplissant et se vidant en fonction des arrivages de marchandises des paysans producteurs.

Les chaînes de télévision  en clair bénéficieraient d'une réduction  de délai symétrique compte tenu de leur fort engagement dans le financement du cinéma français.

Comme l'ont suggéré aussi bien Pierre Lescure que René Bonnell les services de VàD par abonnement et de VàD gratuite seraient  lorsqu'ils sont conventionnés et respectent le décret Smad  autorisés à diffuser les films libres de toute exclusivité à 18 et 30 mois.

Ces règles nouvelles feront aussi l'objet de dérogations permettant de les adapter à la réalité de la vie de chaque film car rien n'est plus absurde et illicite  que de soumettre à la même loi d'airain ceux qui triomphent en salles et ceux qui disparaissent prématurément des écrans.

René Bonnel a eu aussi  raison de jeter le pavé dans le marigot , il faut créer les conditions réglementaires permettant aux auteurs et producteurs des films de choisir librement une première sortie en VàD sans faire de la salle le point de passage obligé de l'attribution du soutien public.

Les déclarations de Vincent Maraval sur les salaires des comédiens étaient profondément déplaisantes venant d'un responsable des excès inflationnistes car elles jetaient une suspicion illégitime sur l'ensemble du soutien au cinéma .

Sa décision de bousculer les habitudes de sortie pour un film sans doute hors norme est  une habile pirouette commerciale .

Elle est aussi  une saine piqure de rappel à tous ceux qui oublient que lorsque le vent devient plus fort mieux vaut pour garder le cap réduire la voilure.

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