Au delà de cette limite votre ticket n’est plus valable

18 octobre 2021 par - Cinéma

La chronologie des médias est une véritable saga,  aussi longue que les feux de l’amour, riche en intensité et dramaturgie à faire pâlir le regretté Sergio Leone jusqu'à penser à revoir "Le bon, la brute et le truand".

Restons toutefois en France avec l’évocation de la fin du film "La Haine" de Mathieu Kassovitz. L'un des personnages a cette réplique devenue célèbre « Jusqu’ici tout va bien. Mais, l’important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »

Cette parole ne semble pas avoir encore imprégné l’esprit de la négociation, engagée sous l’égide et les bienveillants et courageux auspices du CNC, pour refondre une chronologie des médias dont leur dernier avatar  fête ses 3 ans.

Et pourtant…Et pourtant, il semble qu’une amnésie collective ait bien gagné la plupart des participants à cet exercice moins sanglant que Squid Game mais dans lequel la mémoire des dates et des échéances est un précieux sésame pour en sortir intact.

Un retour en arrière, en 2016 plus précisément, s’impose : alors que le Parlement examine le projet de loi relatif à la liberté de création, des parlementaires  à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, s’émeuvent de l’inertie des professionnels à faire évoluer des règles du jeu qui n’avaient pas bougé depuis  2009, un temps où Netflix faisait encore de la location de DVD par correspondance.

Pour éviter d’encourager cette politique du sur-place, portant atteinte à la liberté de diffusion et donc à celle de création,les députés, sous la conduite de Patrick Bloche, alors président de la Commission des affaires culturelles, prennent une initiative importante. Ils votent un nouvel article 28 au projet de loi qui dit une chose très simple : l’arrêté d’extension de l’accord sur la chronologie des médias est valable pour une durée maximale de 3 ans.

Ce qui devint l’article L. 234-1 du Code du Cinéma passe étrangement inaperçu.

Revenu en 2021, il faut mieux mesurer les effets potentiels de ce dispositif. Ils sont aussi basiques que puissants : le 10 février  2022, l’arrêté d’extension pris 3 ans plus tôt pour garantir l’effectivité auprès de tous de la chronologie conclue en 2019 tombera purement et simplement.

Bien évidemment, l’accord restera applicable entre les entreprises membres des organisations syndicales et professionnelles ayant signé l’accord. En revanche, sans nouvel accord dont elles seraient signataires , les autres entreprises, les Netflix, Disney, Amazon pourront bien faire ce qu’elles veulent, en respectant le décret SMAD mais en s’asseyant sur les autres règles prévues dans la chronologie actuelle.

La panique est toujours mauvaise conseillère, mais ne pas prendre conscience du risque de voir la chronologie des médias prendre l’eau de tous côtés n’est pas peut-être le meilleur moyen de négocier l’atterrissage.

Et puis la petite histoire du cinéma et de l'audiovisuel français retiendra que confier aux professionnels le soin de fixer des règles d'intérêt général est le plus sûr moyen d'oublier l'objectif et de laisser le champ libre à la frilosité des  corporatismes .

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