Nouvel élan pour la création cinématographique et audiovisuelle

26 juin 2021 par - audiovisuel, Cinéma

©Columbia

La publication du décret qui fixe les obligations des services de vidéo à la demande est une étape importante de la nouvelle régulation de l'audiovisuel français.

Elle constitue le point d'arrivée  d'une longue route commencée lors du quinquennat de François Hollande et sous la présidence européenne de Jean Claude Juncker.

Les spécialistes de la fiscalité ont rendu un énorme service à la création car la  modification des règles de perception de la TVA applicables aux  services délivrés par Internet a permis de  reconnaitre  la légitimité du pays de destination à recevoir le produit de la taxe correspondant aux achats effectués par ses consommateurs.

Cette révolution a ensuite favorisé la remise en cause de la logique du moins disant culturel qui incitait à  l'installation des services de vidéo à la demande dans les pays où les contraintes en matière de soutien à la création et bien sûr les impôts étaient les plus faibles .

La directive européenne sur les services de médias à la demande (Sma) fortement soutenue par nos responsables politiques avec une remarquable continuité a autorisé les Etats de l'UE à prévoir des obligations d'investissement en fonction du chiffre d'affaires réalisé sur leur territoire tout en favorisant l'exposition des oeuvres européennes avec un quota minimum de 30% d'oeuvres européennes applicable quelque soit le pays d'installation.

Le décret Smad traduit l'engagement fort de la France envers la création cinématographique et audiovisuelle puisqu'il prévoit une obligation d'investissement dans la création  de  20% du chiffre d'affaires dont 4% pour les oeuvres cinématographiques si le service ne diffuse pas de films avant 12 mois. Les services cinéma qui bénéficient d'un délai réduit devront contribuer à hauteur de 25% avec une part minimale garantie de 7,5% pour le cinéma. A noter que le niveau global d'obligations est nettement supérieur à celui de Canal plus.

Sans entrer dans toutes les subtilités du décret ni dans l'épineuse question de la répartition des droits et mandats entre producteurs et diffuseurs, il est clair que l'ambition de soutien à la création est clairement affirmée, le cinéma obtenant  un minimum de répartition des investissements supérieur à sa présence dans l'offre et aux consommations des abonnés.

La mise en musique des principes du décret relèvera du CSA dont la compétence est unanimement reconnu car il a  beaucoup oeuvré sous la présidence d'Olivier Schrameck à l'amélioration du cadre européen de régulation.

Les professionnels pourront faire preuve de leur perspicacité en concluant dans les espaces ouverts à la négociation avec les opérateurs des accords qui seront pris en compte par le CSA.

La question la plus importante à régler sera celle de l'assiette des obligations pour les services qui comme Amazon ne valorisent pas les oeuvres à leur juste prix ,mais les utilisent comme cadeau bonus au fonds du baril de lessive. A cet égard je ne peux que recommander la lecture du dernier billet d'Alain Le Diberder.

Reste à trancher pour le cinéma l'épineuse question de la chronologie des médias, épineuse car les géants de la vidéo à la demande par abonnement veulent leur place au soleil et il est souhaitable comme proposé dans une tribune coécrite avec Jérôme Seydoux que les services payants soient repositionnés avant les services gratuits.

Le gouvernement  a fait le choix heureux de  publier le décret Smad avant le règlement de la question de la chronologie car il n'aurait pas été acceptable que la création audiovisuelle soit prise en otage de discussions qui ne la concernent pas.

Discussions qui n'ont toujours pas abouti et  sont compliquées par le fait que chaque opérateur ou corporation a le souci de protéger le mieux possible ses intérêts. Rien d'illégitime dans ces démarches, mais l'addition des intérêts particuliers n'emporte pas la consécration de l'intérêt général.

Rappelons d'abord qu'en matière de chronologie la règle posée par la directive TVSF modifiée est celle de la liberté contractuelle:

«Article 7

Les États membres veillent à ce que les radiodiffuseurs qui relèvent de leur compétence ne diffusent pas d'oeuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit.»

En son temps, Bruxelles avait accepté d'aller au delà du contrat en validant le principe d'un accord collectif et même  son extension pour éviter les passagers clandestins, on est alors au bord du précipice, difficile d'aller durablement plus loin.

En outre, le souhait de beaucoup d'encadrer non seulement le point de départ des exploitations mais aussi de continuer à verrouiller les exclusivités pour assurer l'étanchéité des fenêtres d'exploitation complique singulièrement la donne et ce d'autant plus que le gouvernement n'a aucun moyen sur ce point de porter atteinte à la liberté contractuelle.

Le premier cycle de discussions n'ayant rien donné , le CNC a reformulé une proposition qui a le mérite d'assouplir fortement les règles antérieures en repositionnant le péage avant le clair et de laisser face à face l'exploitation et Canal plus sachant que les salles de cinéma n'iront pas en deçà d'une protection de 6 mois vis à vis de la TV à péage.

Dans ce Marrakech de la chronologie la priorité doit être clairement donnée à la protection de la salle de cinéma car c'est elle qui assure l'avenir et la pérennité de la création cinématographique. Canal plus doit également être mis en capacité de poursuivre son soutien au cinéma français mais  encore faudrait-il que ses dirigeants éclairent l'avenir et respectent leurs engagements d'investissement.

Les nouveaux services et les chaînes en clair auront quelques frottements, mais la proposition du CNC a le mérite de leur donner la possibilité de coopérations intelligentes et d'accords gagnants-gagnants.

Vidéo physique et vidéo à la demande à l'acte sont écrabouillés... Qui s'en soucie ?

Bref le cinéma peut tenir dans la bouteille car la diversité des oeuvres et l'épanouissement des talents donnent à tous les opérateurs les moyens de bénéficier de leur contribution.

Encore faut il éloigner de la table les ignorants et les arrogants qui vont souvent de pair.

 

 

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