La menace fantôme

18 mars 2006 par - Weblog

Je ne me hasarderai pas à commenter la discussion par l'Assemblée Nationale du projet de loi DADVSI qui s'est terminée vendredi dernier à 4 heures du matin dans l'atmosphère conviviale d'une rencontre de lutteurs épuisés se serrant la main à la fin du match.
Mais que de temps perdu en querelles de procédure.
Que d'approximations et de faux semblants.
Un bon exemple en est la copie privée audiovisuelle dont on nous prédit la disparition, alors qu'elle change simplement de support en se déplaçant des supports amovibles vierges vers des appareils plus sophistiqués dotés d'un disque dur dont les fabricants ne défendent la copie privée que pour mieux en refuser la juste rémunération.
A cet égard, la publication des compte-rendus des travaux de la commission copie privée permettra à la représentation nationale d'apprécier à sa juste valeur ce que vaut la parole de ces industriels et de mettre fin aux grossières opérations de désinformation sur le montant de la copie privée dont ils sont devenus les incontestables spécialistes.
Cette copie privée issue de la source télévisuelle, la seule qui existait dans l'univers analogique, n'est pas en danger et l'amendement adopté à l'initiative de Dominique Richard la confortera dans le cadre de la numérisation des services audiovisuels.
Quant à la copie des supports enregistrés, c'est une nouveauté rendue possible par la disparition des cassettes VHS et leur remplacement par les DVD. La technologie favorisera un accès supplémentaire à une reproduction de l'oeuvre mais cette nouveauté ne pourra être effective que lorsque les mécanismes de protection permettront de limiter la copie conformément à la définition de l'exception.
Le problème pour les auteurs est d'ailleurs moins la copie des DVD enregistrés que celui de la rémunération de leurs droits exclusifs sur ces DVD en raison de l'opacité de cette filière et de la non application du principe de rémunération proportionnelle au prix payé par le public.
On est donc loin de la menace fantôme de la disparition de la copie privée et de sa rémunération et le vote de l'Assemblée Nationale a permis une interprétation de la directive favorable aux consommateurs.
La vraie menace vient de Bruxelles où certains groupes de pression bien en cour auprès de la Commission européenne persistent à vouloir éradiquer la copie privée et à faire disparaître sa rémunération comme ils avaient déjà tenté de le faire lors de l'élaboration de la directive en cours de transposition.
Elle vient aussi de parlementaires qui ont exprimé leur vision d'une rémunération transformée en impôt et prôné une étatisation de la rémunération des créateurs.
Il a également été beaucoup question lors ces débats de l'omniprésence des lobbies.
Ceux qui ont mis en cause, et de façon parfois justifiée, l'action de lobbies représentant les industries culturelles, feraient bien de se livrer à un examen de conscience.
Ce petit exercice d'introspection leur permettrait sans doute de s'apercevoir que beaucoup de leurs argumentaires et amendements n'étaient que le copié-collé des exigences d'autres lobbies sans doute moins voyants, mais finalement assez efficaces qui, sous couvert de défense du logiciel libre, de droit à la copie privée, d'accès à la culture, veulent justifier le pillage de la création.
Enfin, pour finir sur une note plus gaie, je veux saluer le Bernard Farcy de ces débats qui se prenant pour le général de Gaulle un certain 18 Juin a mis sur l'internet un message vocal appelant à la résistance numérique.
Un grand moment d'humour involontaire.

Pascal Rogard

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